La SAAQ vise à faciliter l’accès aux services psychologiques pour les accidentés de la route
Me Édith Lorquet, directrice des services juridiques de l'Ordre des psychologues du Québec - elorquet@ordrepsy.qc.ca
L’Ordre des psychologues du Québec adressait récemment ses commentaires au ministre des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports au sujet du projet de Règlement modifiant le Règlement sur le remboursement de certains frais, projet actuellement à l’étude et qui concerne les accidentés de la route.
Le premier article de ce projet de règlement vient mettre fin à l’exigence d’obtenir une ordonnance médicale à toutes les 15 séances de « traitement de psychologie ». L’avis de présentation accompagnant ce projet de règlement mentionne que cela tient compte des nouvelles façons de procéder implantées par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) pour ce type de traitement.
Dans une perspective d’accessibilité aux services psychologiques, ne plus exiger cette ordonnance médicale en cours de traitement est évidemment une excellente initiative. Dans la préparation de nos commentaires, nous avons également constaté dans le document de la SAAQ, daté d’octobre 2014 et intitulé « Les interventions psychologiques auprès des personnes accidentées de la route », qu’après des consultations auprès de l’Association des psychologues du Québec et de l’Ordre des psychologues du Québec, un cadre de suivi a été mis en place, notamment afin de permettre à la personne accidentée d’avoir accès aux traitements psychologiques rapidement et de bénéficier des meilleures pratiques reconnues en psychologie. En outre, on y mentionne ce qui suit : « À titre d’administratrice du régime d’assurance automobile et de tiers payeurs, la Société a la responsabilité de s’assurer que la personne accidentée ait accès à des services appropriés, lui permettant de faire des progrès significatifs, et ce, dans un délai raisonnable. »
En outre, ce document reconnaît non seulement l’importance des psychologues dans la réduction des conséquences des accidents d’automobile, mais également leurs compétences professionnelles pour déterminer les besoins de la personne accidentée en matière de traitement de psychologie. Finalement, la SAAQ s’est dotée d’une structure d’aide composée, entre autres, de psychologues afin d’aider l’agent d’indemnisation et le conseiller en services aux accidentés dans leur prise de décision à l’égard des interventions en psychologie, en plus d’avoir la possibilité de faire appel à des psychologues et neuropsychologues experts indépendants. La SAAQ reconnaît donc l’importance et les compétences des psychologues dans la détermination des besoins de la personne accidentée et dans l’évaluation de l’évolution de ces besoins en cours de traitement.
Le projet de règlement est un pas dans la bonne direction, mais nous avons fait valoir auprès du ministre que cette réflexion aurait avantage à se poursuivre et qu’il fallait certainement s’interroger sur l’obligation d’obtenir, pour toute situation, une ordonnance médicale afin d’amorcer un traitement en psychologie. Nous avons rappelé que les lois professionnelles ont changé depuis 2012 et qu’en santé mentale il pourrait y avoir de nombreux bénéfices à recourir davantage à l’expertise des psychologues et à celle des neuropsychologues, afin de faciliter l’accès aux services psychologiques. Or la référence médicale pour des services en santé mentale semble encore être un automatisme en 2016. Dans un souci d’accessibilité aux services de psychologie, il nous apparaît que le moment est venu de faire preuve d’ouverture et de remettre en question cette référence médicale obligée.
C’est donc dans cet esprit et avec l’intention de provoquer la réflexion que nous avons profité de la consultation sur le projet de règlement pour faire également part de nos commentaires sur l’art. 7 du règlement existant, lequel n’est pas visé par le projet de règlement à l’étude. Cet article concerne l’exigence d’une ordonnance médicale initiale afin que les frais engagés pour suivre un traitement de psychologie soient remboursables.
Plus précisément, l’art. 7 du Règlement sur le remboursement de certains frais prévoit que les frais engagés pour recevoir des soins médicaux ou paramédicaux sont remboursables lorsqu’ils sont requis médicalement et qu’ils sont dispensés au Québec par un médecin, un dentiste ou un optométriste ou, sur ordonnance d’un médecin, par d’autres professionnels régis par le Code des professions (chapitre C-26).
Il est donc possible qu’un soin médicalement requis et en lien avec l’accident de la route soit commencé par un dentiste ou un optométriste sans ordonnance médicale. Nous sommes d’avis qu’il pourrait en être de même lorsqu’il est question de dommages de nature psychologique. Les psychologues, habilités par le Code des professions à évaluer les troubles mentaux, et les neuropsychologues, les troubles neuropsychologiques, sont parfaitement en mesure de déterminer, à la suite de leur évaluation, si le dommage psychologique ou neuropsychologique est lié à l’accident de la route et si un traitement de psychologie est requis par l’état de santé psychologique de la personne accidentée. Ceci rejoint d’ailleurs la position de la SAAQ, qui reconnaît les compétences du psychologue pour évaluer l’évolution de la condition psychologique d’une personne dans le temps.
En consultant la Loi sur l’assurance automobile du Québec, nous constatons que le cadre légal ne fait aucunement obstacle à ce que l’exigence d’une ordonnance médicale soit levée. En effet, certaines lois désuètes datant de plus de 30 ans ne peuvent tenir compte de l’évolution des lois professionnelles sans que des modifications législatives ne soient apportées. Ce n’est pas le cas ici et il est tout à fait possible de modifier l’art. 7 de l’actuel Règlement sur le remboursement de certains frais en concordance avec les dispositions de loi habilitantes.
Nous souhaitions ouvrir le dialogue sur cette question avec le ministre afin que l’expertise des psychologues soit pleinement mise à contribution non seulement en cours de traitement, mais également dans la recommandation initiale d’un traitement de psychologie, et ce, dans l’intérêt supérieur des personnes accidentées.