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Mesure d'exception permettant à un parent de prendre les décisions seul pour les soins de son enfant en cas de violence

Me Édith Lorquet, directrice des services juridiques de l'Ordre des psychologues du Québec - elorquet@ordrepsy.qc.ca


Comme annoncé dans l’infolettre du 15 juin 2023, nous rappelons dans cette chronique que l’art. 603.1 du Code civil du Québec est entré en vigueur le 17 mai 2023, dans le cadre de la réforme du droit de la famille du ministre de la Justice et procureur général du Québec, M. Simon Jolin-Barrette.

Cette disposition prévoit que :
« Le père ou la mère ou le parent peut, sans l’accord de l’autre parent, en raison d’une situation de violence familiale, y compris conjugale, ou de violence sexuelle, causée par ce parent, requérir pour son enfant des services de santé ou des services sociaux, incluant des services de soutien psychosocial, reconnus par le ministre de la Justice.

À cette fin, le père ou la mère ou le parent doit avoir obtenu une attestation d’un fonctionnaire ou d’un officier public désigné par le ministre de la Justice qui, sur le vu de sa déclaration sous serment selon laquelle il existe une telle situation de violence et sur le vu d’autres éléments de faits ou de documents provenant de personnes en contact avec les personnes victimes et appuyant cette déclaration, considère que la demande est une mesure bénéfique pour la santé et la sécurité de l’enfant. Le fonctionnaire ou l’officier public doit agir avec célérité. »

Rappelons que cette mesure d’exception vise notamment à faciliter l’accès à des services professionnels, notamment ceux qu’offrent les psychologues (évaluation, traitement et autres suivis), dont auraient besoin des enfants en situation de violence.

Le concept de situation de violence renvoie à toute forme de violence dans un contexte familial, d’un membre de la famille envers un autre membre de la famille, à laquelle l’enfant peut être exposé, ou d’un membre de la famille envers l’enfant. À titre d’exemple, il peut s’agir de surveillance, d’isolement, de harcèlement, de violence économique, d’humiliation, de menaces. Il peut s’agir d’agressions physiques ou d’un risque sérieux d’agression de même nature, ou d’abus sexuels, ou de toute forme d’exploitation sexuelle.

Ainsi, en vertu de cette disposition, un parent pourra demander une attestation à un procureur du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) pour que son enfant puisse bénéficier de services de santé ou de services sociaux, et ce, sans l’accord de l’autre parent. Il ne sera pas nécessaire d’avoir porté des accusations pour obtenir cette attestation, comme le stipule la loi.

Comment obtenir une attestation pour un parent en situation de violence?

Il n’est pas requis d’obtenir une attestation pour un enfant de 14 ans ou plus puisqu’il peut consentir seul aux soins. Si l’enfant a moins de 14 ans, l’attestation peut être demandée dans deux situations :

  • l’autre parent refuse son consentement;
  • il n’est pas sécuritaire d’obtenir le consentement de l’autre parent.

Le parent qui souhaite obtenir une attestation pour son enfant doit remplir le formulaire prévu à cet effet et le faire assermenter. Dans ce document, le parent doit expliquer la situation de violence sexuelle ou familiale, y compris conjugale, qui justifie la demande de pouvoir consentir seul aux services requis par l’enfant.

En plus du formulaire de demande d’attestation, le parent devra fournir un des deux documents suivants :

  • une copie de sa déclaration faite à la police ou le nom du service de police qui est intervenu dans son cas (ex. : Sûreté du Québec);
    ou
  • un document (ex. : une lettre) appuyant sa demande et provenant d’une personne en relation avec lui ou avec l’enfant habitant avec lui : cette personne pourrait par ailleurs être contactée par le DPCP pour fournir les précisions nécessaires.

Selon les informations publiées par le gouvernement, cette personne en relation avec le parent ou l’enfant peut être :

  • son médecin;
  • une professionnelle ou un professionnel ayant déjà donné des services au parent ou à son enfant (psychologue, psychiatre, pédiatre, etc.);
  • une personne travaillant pour un établissement du réseau de la santé et des services sociaux (hôpital, centre jeunesse, etc.), incluant les psychologues;
  • une intervenante ou un intervenant d’un service d’aide aux victimes : CAVAC, CALACS ou maison d’hébergement, incluant les psychologues.

Contextes dans lesquels les psychologues sont concernés

1. Pour rédiger une lettre d’appui;
ou
2. Pour recevoir une demande de service pour un enfant avec une attestation autorisant le consentement d’un seul parent.

Lettre d’appui rédigée par un psychologue

Le psychologue doit détenir suffisamment d’informations au sujet de la situation de violence pour pouvoir en faire état. À cet égard, la preuve qu’il y a présence ou non de violence ne repose pas sur le psychologue. Le psychologue doit s’en tenir à ce qui a été directement observé et évalué dans le cadre de son suivi.

Si le psychologue considère qu’il n’est pas en position de fournir cette lettre, il est préférable qu’il accompagne le parent vers une ressource plus appropriée.

Le contenu spécifique de la lettre n’est pas précisé. Le psychologue ne doit fournir que les éléments directement observés. Une lettre pourrait, par exemple, indiquer le nombre de rencontres ayant porté sur la situation de violence, puis établir un sommaire des éléments rapportés par la personne (parent ou enfant) et les observations cliniques se rapportant à la situation de violence du point de vue de la personne (parent ou enfant). Le psychologue peut aussi, par exemple, faire le constat que le parent ou l’enfant s’est montré affecté, voire terrorisé durant le ou les entretiens.

Le psychologue doit consigner au dossier les éléments entourant une demande d’attestation et motiver sa décision de fournir la lettre ou de ne pas le faire.

Réception d’une demande d’attestation

Le psychologue pourrait également recevoir une demande de service pour un enfant de moins de 14 ans, avec une attestation permettant à un parent de consentir seul. Le psychologue doit alors réviser avec soin l’attestation pour s’assurer qu’elle est conforme.

D’abord, les services à rendre doivent faire partie de la liste de ceux reconnus dans l’arrêté ministériel numéro 2023-49971, qui est somme toute assez vaste et qui contient plusieurs services que peuvent rendre les psychologues.

L’attestation est valide pour une période de 45 jours après sa délivrance. Ce délai n’expire pas si, avant cette date, le parent utilise l’attestation pour demander des services (prise de rendez-vous) ou inscrit l’enfant sur une liste d’attente en vue d’obtenir des services. À moins d’un jugement indiquant le contraire, l’attestation demeure valide pour la durée des services.

N.B. Les psychologues n’ont pas l’autorité nécessaire pour décider d’accepter une attestation délivrée au-delà du délai de 45 jours. En cas de doute, il est préférable de communiquer avec le DPCP, qui a délivré l’attestation – avec l’autorisation de la personne cliente.

En terminant, il est important de préciser à nouveau qu’il s’agit d’une mesure d’exception. En temps normal, les deux parents ont l’autorité parentale concernant l’enfant et doivent se consulter pour les décisions importantes. Par ailleurs, cette mesure ne remplace pas les pouvoirs du Directeur de la protection de la jeunesse.

Dans le cadre de cette chronique, nous avons rapporté les grandes lignes et les enjeux principaux entourant cette mesure. Pour de plus amples renseignements, nous vous invitons à consulter le site du gouvernement du Québec.

Note

  1. Pour consulter l'arrêté ministériel numéro 2023-4997, cliquez ici.