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Retour sur les consultations estivales

Dr William Aubé, neuropsychologue et conseiller scientifique à la Direction des communications de l'Ordre des psychologues du Québec - waube@ordrepsy.qc.ca


Les plus récentes consultations auprès de tous les membres de l’Ordre ont pris fin en septembre dernier et portaient sur les thèmes suivants : 1) évaluation du risque suicidaire, 2) disponibilités et liste d’attente en pratique privée et 3) tarification des services en pratique privée. Vous trouverez dans cette chronique les résultats à ces trois sondages. Il tombe sous le sens que les données présentées doivent être interprétées avec prudence et qu’elles ne peuvent être le reflet exact des pratiques et des réalités cliniques de tous les psychologues qui, faut-il le rappeler, peuvent présenter des caractéristiques très hétérogènes. L’idée n’étant pas de tirer des conclusions définitives – ou encore de faire des prédictions –, mais plutôt, à partir d’un échantillon, de jeter un regard sur les pratiques des psychologues québécois. L’investisseur et homme d’affaires américain Warren Buffett a un jour déclaré avec raison : « Un sondage n’est pas un substitut à la réflexion. » Cela dit, nous jugeons qu’il est essentiel que vous ayez accès à ces résultats afin qu’ils puissent contribuer à une réflexion quant à vos pratiques.

Méthodologie et description des échantillons

Du 25 juillet au 12 septembre 2023 ont été tenues simultanément trois consultations en ligne sur la plateforme Léxi : 1) Évaluation du risque suicidaire (n = 698), 2) Disponibilités et liste d’attente en pratique privée (n = 700) et 3) Tarification des services en pratique privée (n = 730). Les taux de réponse pour chaque sondage eu égard au nombre total de membres de l’Ordre sont respectivement de 7,5 %, 7,6 % et 7,9 %. À titre comparatif, l’American Psychological Association (APA) réalise sur une base annuelle depuis 2020 le Practioner Impact Survey auprès de ses membres cliniciens, et des taux de réponse entre 3,6 % et 4,3 % sont consignés. Également, par exemple, des sondages réalisés par le Collège des médecins du Québec (CMQ) sur différents thèmes indiquent des taux de réponse entre 6 % et 11 %. Ce sont par ailleurs une majorité de répondants qui ont répondu aux trois sondages (70 %) et ce sont, en moyenne, 85 % qui ont répondu à plus d’un sondage. Une fois un sondage terminé, les répondants étaient invités à remplir les autres sondages, sans aucune obligation.

Les sondages ont été transmis à tous les membres de l’Ordre et sont par conséquent non probabilistes, c’est-à-dire non aléatoires dans la mesure où les répondants n’ont pas été sélectionnés au hasard. Ainsi, les résultats peuvent inclure certains biais, dont un biais de sélection comme la surreprésentation d’un groupe ou d’un sous-groupe de psychologues.

Cela étant, il est possible d’atténuer ou du moins de nuancer l’impact de potentiels biais sur les données en comparant la composition des échantillons avec celle de l’ensemble des membres de l’Ordre. Vous trouverez donc une série de tableau x permettant de réaliser diverses comparaisons en ce sens – le plus grand échantillon a été retenu à cette fin. Notamment, il appert que la répartition régionale des répondants est très similaire à celle de l’ensemble des membres de l’Ordre (tableau 1). Les principaux secteurs de pratique, les milieux de travail, les clientèles desservies, l’année d’obtention du permis ainsi que les activités exercées font aussi partie des données présentées aux tableaux 2 à 6.

En ce qui a trait au milieu de pratique et au milieu de travail, les répondants œuvrant principalement dans le secteur de la psychologie clinique paraissent surreprésentés parmi l’échantillon, ce qui est cependant cohérent avec la nature des consultations visant plus particulièrement les psychologues en pratique privée – 94 % des répondants exercent d’ailleurs en pratique privée. Parmi les membres de l’Ordre qui exercent exclusivement en pratique privée, 88 % déclarent la psychologie clinique comme secteur de pratique principal – 87 % des répondants au sondage déclarent la psychologie clinique comme secteur de pratique principal. En outre, 90,2 % des répondants au sondage exercent la psychothérapie alors que 70,3 % des membres de l’Ordre déclarent exercer la psychothérapie. Cependant, parmi les membres qui exercent exclusivement en pratique privée, 92,3 % exercent la psychothérapie.


Tableau 1

Répartition des répondants par région administrative

Région

% de répondants

% parmi les membres de l’Ordre

01 - Bas-Saint-Laurent

2,1

1,4

02 - Saguenay–Lac-Saint-Jean

2,6

3,4

03 - Capitale-Nationale

12,9

13,2

04 - Mauricie

5,0

4,1

05 - Estrie

6,9

4,4

06 - Montréal

33,4

33,4

07 - Outaouais

2,8

3,2

08 - Abitibi-Témiscamingue

1,0

0,7

09 - Côte-Nord

1,0

0,6

10- Nord du Québec

0,0

0,2

11 - Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine

0,9

0,7

12 - Chaudière-Appalaches

2,2

3,2

13 - Laval

2,9

3,2

14 - Lanaudière

6,0

4,0

15 - Laurentides

6,0

5,2

16 - Montérégie

13,6

13,3

17 - Centre-du-Québec

0,5

1,6


Tableau 2

Répartition des répondants par milieu de travail

Milieu de travail

% de répondants

% parmi les membres de l’Ordre

Privé seulement

67,0

40,3

Privé et réseau / employeur

26,8

20,2

Réseau public seulement (santé et scolaire)

6,2

18,6


Tableau 3

Répartition des répondants par secteur de pratique principal  

Secteur de pratique principal des répondants

% de répondants

% parmi les membres de l’Ordre

Psychologie clinique

87,0

68,2

Neuropsychologie clinique

9,8

9,6

Psychologie de la santé

1,0

1,9

Psychologie du travail et des organisations

1,0

4,9

Psychologie scolaire

0,7

9,2

Enseignement et recherche

0,3

4,4

Psychologie sociale et communautaire

0,1

0,8


Tableau 4

Répartition des répondants selon les activités exercées

Activités exercées

% de répondants

% parmi les membres de l’Ordre

Psychothérapie

90,2

70,3

Évaluation des troubles mentaux

52,3

57,7

Supervision

34,6

31,3

Évaluation des troubles neuropsychologiques

12,4

11,7

Expertises

5,7

11,6


Tableau 5

Répartition des répondants selon les clientèles desservies

Clientèle desservies

% de répondants

% parmi les membres de l’Ordre

Enfants/adolescents

39,9

48,5

Adultes

59,6

75

Personnes âgées

26,2

35,7

Couples/familles/groupes

21,5

38,9


Tableau 6

Répartition des répondants selon l'année d'obtention du permis de pratique

Année d’obtention du permis

% de répondants

% parmi les membres de l’Ordre

1970-1979

1,8

4,2

1980-1989

8,2

13,3

1990-1999

16,9

21,2

2000-2009

25,3

25,4

2010-2019

29,9

22,0

2020-2023

17,8

13,3

1. Le risque suicidaire

Mise en contexte
En janvier dernier, la coroner Julie-Kim Godin a rencontré la présidente de l’Ordre pour lui exprimer certaines préoccupations à la suite d’enquêtes sur quelques cas de décès par suicide – aucun cas n’impliquait de psychologue. Dans la foulée de cette rencontre, l’Ordre a décidé de prendre diverses initiatives pour s’assurer que ses membres sont bien outillés au regard de l’évaluation du risque suicidaire.

Dans quelle mesure les psychologues sont-ils confrontés à des enjeux liés au risque suicidaire?
Voilà une question à laquelle il peut être difficile d’avancer des chiffres, mais qui s’avère pertinente, notamment, pour mieux cerner les besoins de formation. Dans le présent sondage, il est éclairant d’apprendre que ce sont 95,3 % des répondants (n = 698) qui affirment avoir déjà rencontré un ou des clients qui les ont inquiétés à l’égard du risque suicidaire. En ce qui concerne la fréquence au cours de la vie professionnelle, 34 % des répondants indiquent avoir été régulièrement confrontés à ces enjeux (10 fois et plus), 29,5 % l’avoir été à plusieurs reprises (de 5 à 10 fois) et 36,5 % à quelques reprises (de 1 à 5 fois).

Même si cela peut s’imposer spontanément à l’esprit compte tenu de la nature du travail de psychologue, les chiffres indiquent que le risque suicidaire reflète une réalité clinique tangible. Qui plus est, 49 % des répondants rapportent avoir déjà été confrontés à des enjeux déontologiques ou de bris de confidentialité à l’égard du risque suicidaire, comme la levée du secret professionnel.

Les psychologues sont-ils bien formés à l’évaluation du risque suicidaire?
Ce sont 89,4 % des répondants qui affirment avoir déjà suivi une formation sur l’évaluation du risque suicidaire. Ils sont aussi une grande majorité (69 %) de répondants à indiquer se sentir suffisamment outillés quant à leurs connaissances et leurs compétences. Cela dit, il y a tout de même 16 % des répondants qui indiquent ne pas se sentir suffisamment outillés tandis que 15 % répondent « Je ne sais pas » à cette même question. Les répondants sont aussi nombreux – 75 % – à avoir déjà abordé, en supervision, des cas qui les ont inquiétés en la matière.

Parmi les commentaires, plusieurs psychologues proposent que la formation entourant l’évaluation du risque suicidaire s’inspire du modèle pour les cours de réanimation cardiorespiratoire (RCR), lesquels requièrent une mise à jour régulière. Rencontrer un client qui nous inquiète à l’égard du risque suicidaire peut évidemment être difficile, voire déconcertant, et susciter son lot de stress compte tenu de tous les enjeux inhérents. Une étude phénoménologique de Dubue et Hanson (2020) a d’ailleurs montré que les psychologues peuvent faire état d’une anxiété importante lors du travail auprès de clients suicidaires et que la peur du suicide du client guide et motive leurs pratiques d’évaluation du risque de suicide.

2. La disponibilité des psychologues en pratique privée

Ce sont 35,4 % des répondants qui affirment avoir des disponibilités à l’intérieur du mois pour accueillir de nouveaux clients. À titre comparatif, au début de la pandémie, en octobre 2020, 29,9 % des répondants à un sondage de l’Ordre (n = 2 099) indiquaient pouvoir accueillir (« actuellement ») de nouveaux clients.

Un coup d’œil plus pointu aux données récentes permet de constater des disparités selon les régions du Québec. Pour les régions de Montréal et de Laval, par exemple, ce sont 45 % et 47 % des psychologues qui indiquent avoir des disponibilités tandis que les pourcentages sont de l’ordre de 27 % et de 28 % pour l’Outaouais et la Capitale-Nationale respectivement (tableau 7). Il s’avère difficile d’interpréter cette disparité, notamment sous l’angle des effectifs, puisque la Capitale-Nationale et Montréal sont les deux régions avec le ratio le plus élevé de psychologues par habitant selon nos données internes (16,0 psychologues pour 10 000 habitants pour la Capitale-Nationale et 15,2 pour 10 000 pour Montréal). Cela dit, il est probable que ces chiffres fluctuent au fil des semaines. Obtenir des données plus systématiques permettrait une interprétation valable, sans compter que les réalités régionales et les besoins associés peuvent grandement différer.


Tableau 7

Pourcentage des répondants par région administrative qui affirment avoir des disponibilités l’intérieur du mois pour accueillir de nouveaux clients

Région

Oui (%)

Région

Oui (%)

08 - Abitibi-Témiscamingue

80 ,0

01 - Bas-Saint-Laurent

33,3

17 - Centre-du-Québec

66,7

04 - Mauricie

33,3

13 - Laval

47,1

03 - Capitale-Nationale

28,4

06 - Montréal

44,6

07 - Outaouais

26,7

12 - Chaudière-Appalaches

40,0

09 - Côte-Nord

25,0

02 - Saguenay–Lac-Saint-Jean

38,5

14 - Lanaudière

21,9

15 - Laurentides

35,3

05 - Estrie

21,6

16 - Montérégie

34,3

11 - Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine

0,0

Quels sont les délais de prise en charge en pratique privée?
Bien qu’une majorité des répondants ne soit pas en mesure de prendre en charge de nouveaux clients à l’intérieur d’un mois, environ 80 % peuvent le faire à l’intérieur de 5 mois que ce soit en psychologie clinique ou en neuropsychologie clinique (graphique 1). Seulement 5 % des répondants rapportent des délais de prise en charge supérieurs à 12 mois en psychologie clinique et 3,1 % en neuropsychologie clinique. Ces chiffres sont d’ailleurs similaires à ceux obtenus dans le sondage d’octobre 2020 susmentionné, où 82,9 % des répondants indiquaient des délais de prise en charge inférieurs à 6 mois. En ce qui concerne l’usage d’une liste d’attente, les réponses sont hétérogènes et c’est environ un psychologue sur deux qui en utilise une (46,9 %). Plus précisément, parmi l’ensemble des répondants, 29,3 % inscrivent de nouveaux clients sur leur liste d’attente et 17,6 % indiquent utiliser une liste d’attente, mais qu’elle est fermée ou complète. Au demeurant, 28 % n’utilisent pas de liste d’attente et 25 % ont cessé d’en faire usage en raison de la forte demande et de la charge de travail supplémentaire requise pour gérer cette liste.


Graphique 1

Répartition des répondants (%) selon les délais approximatifs de prise en charge pour de nouveaux clients par secteur de pratique principal (psychologie clinique et neuropsychologie clinique)

Une étude de Kalogeropoulos et ses collaborateurs (2018) menée au Québec auprès de psychologues en bureau privé (n = 526) – sondage réalisé en juin 2014 – faisait état d’un portrait fort différent quant aux disponibilités. À ce moment, 83 % des répondants œuvrant au privé rapportaient des délais d’attente inférieurs à trois semaines pour accéder aux services. Seulement 17 % indiquaient des délais de quatre semaines et plus tandis que ce chiffre se situe désormais à 70 % selon le présent sondage. Nez à nez, ces données comparées seraient-elles le reflet de changements dans le portrait de la psychologie et des besoins pour les services psychologiques depuis 2014?

Quelle est la durée moyenne d’une psychothérapie en pratique privée?
Voilà une question délicate dont la pertinence peut être fort discutable selon la portée que l’on souhaite attribuer à de tels chiffres. Le processus du changement en psychothérapie est évidemment complexe et ne peut se réduire à une durée. La psychothérapie est par nature un processus intime et personnel. Des données fournies par les psychologues au regard de la durée peuvent néanmoins offrir des repères quant aux pratiques actuelles même si elles ne sont pas représentatives des besoins des clientèles variées ou d’un client donné. Cela étant, il est instructif de relever que 70,4 % des répondants indiquent une durée moyenne estimée entre 6 mois et 2 ans pour la psychothérapie auprès de leurs clients (graphique 2). Ils sont 12,6 % des répondants à indiquer une moyenne entre 3 et 6 mois, ainsi que 16,4 % pour la moyenne entre 2 et 5 ans. Une durée moyenne de plus de 5 ans est plutôt rare pour une psychothérapie (0,5 % des répondants). Dit autrement, sous une traduction certes imparfaite au rythme d’une séance par semaine, il ne serait pas faux de retenir qu’une forte majorité de psychologues ayant répondu au sondage offre, en moyenne, au moins 24 séances – 6 mois – en psychothérapie auprès de leur clientèle. À d’autres égards, soulignons la flexibilité répandue parmi les répondants avec 81 % qui affirment offrir des suivis d’intensité variable en psychothérapie (par exemple au besoin).


Graphique 2

Répartition des répondants (%) selon la durée moyenne de la psychothérapie auprès de leur clientèle

Le nombre de nouveaux clients par année, temps consacré et volumes de demandes
La capacité d’accueil pour de nouveaux clients fluctue bien entendu selon de nombreux paramètres, dont le secteur de pratique. Le graphique 3 présente le nombre moyen de nouveaux clients selon les répondants dont le secteur de pratique principal est la psychologie clinique et la neuropsychologie clinique. De façon générale, en psychologie clinique, 80 % des répondants peuvent accueillir en moyenne entre 1 et 19 clients par année. Un psychologue sur 5 affirme en accueillir 20 et plus par année en moyenne, et 5 % indiquent 40 et plus. En neuropsychologie clinique, considérant les mandats d’évaluation plus souvent au centre de la pratique, un plus grand nombre de clients moyen par année est indiqué – 33 % des répondants dont le secteur de pratique principal est la neuropsychologie rapportent accueillir plus de 40 nouveaux clients par année.


Graphique 3

Répartition des répondants (%) selon le nombre moyen de nouveaux clients par année par secteur de pratique principal (psychologie clinique et neuropsychologie clinique)

En ce qui a trait au temps hebdomadaire consacré aux services psychologiques offerts à la clientèle, une majorité des répondants en pratique privée exclusive (73 %) rapportent entre 10 et 29 heures (graphique 4). Rappelons que près de 30 % des répondants ont une pratique mixte, c’est-à-dire qu’ils pratiquent à la fois au privé et dans le réseau (santé/scolaire). De façon générale, ces derniers consacrent un peu moins d’heures à leur pratique privée – 76,6 % indiquent consacrer entre 1 et 19 heures par semaine – mais cela fluctue évidemment selon le nombre d’heures dédiés à l’employeur, variable qui n’est pas considérée ici.


Graphique 4

Répartition des répondants selon le nombre d’heures consacrées aux services psychologiques offerts par semaine – pratique privée exclusive et pratique mixte

Par rapport à la période pandémique, près d’un psychologue sur deux (47 %) constate une augmentation ou une augmentation considérable du volume de demandes en psychothérapie dans la dernière année tandis que 41 % indiquent que le volume est stable (graphique 5). En ce qui a trait aux mandats d’évaluation ou d’expertise, 51,7 % des répondants affirment que le volume est stable dans la dernière année alors que 36,5 % répondent qu’il est à la hausse/hausse considérable. Cela dit, les réponses quant au volume de demandes en psychothérapie et en évaluation/expertise sont relativement similaires. Soulignons également des fluctuations considérables selon les régions administratives pouvant suggérer des besoins plus critiques à certains endroits (données non illustrées).


Graphique 5

Répartition des répondants (%) selon le volume de demandes pour la psychothérapie et pour les mandats d’évaluation ou d’expertise dans la dernière année en comparaison à la période pandémique

En outre, la majorité des répondants (54,5 %) indiquent toujours recevoir, par rapport à la période pandémique, de nouvelles demandes pour des situations de crises ou urgentes. À titre comparatif, dans le sondage d’octobre 2020, 63,9 % des répondants notaient un plus grand nombre de demandes pour des situations de crises ou urgentes. À la lecture de ces résultats, il ne fait nul doute que les besoins demeurent importants pour de nombreuses personnes au sein de la population.

3. La tarification des services en pratique privée

Rappelons d’abord que l’Ordre n’impose ni ne recommande de grille tarifaire aux psychologues. D’autre part, nous ne disposons que d’informations partielles quant aux tarifs et leur variabilité au sein des cabinets. Certains psychologues disponibles en bureau privé affichent en effet leur tarif via le service de référence de l’Ordre. Le tarif moyen demandé parmi les abonnés au service de référence qui affichent leur tarif (n = 357) est de 127,24$ (ÉT = 24,82). Le présent sondage permet donc de mieux cerner la situation. D’abord, les réponses des répondants (n = 628) font état d’un tarif horaire moyen pour la psychothérapie situé à 132,64$ (ÉT = 20,98). Le graphique 6 permet de constater la répartition et l’étendue des tarifs horaires parmi l’ensemble des répondants, toujours pour la psychothérapie. En outre, les tarifs moyens demandés par les répondants varient substantiellement en fonction de la région administrative où ils œuvrent (tableau 8).


Graphique 6

Répartition des répondants selon les tarifs horaires ($) demandés en psychothérapie par séance


Tableau 8

Tarifs horaires moyens pour la psychothérapie par région administrative

Région

Moyenne ($)

Écart-type ($)

Médiane ($)

Minimum ($)

Maximum ($)

07 - Outaouais

177,86

29,20

165

140

230

08 - Abitibi-Témiscamingue

145,00

10,49

145

130

160

06 - Montréal

137,97

19,04

135

90

220

15 - Laurentides

134,17

14,80

130

100

180

16 - Montérégie

133,55

13,92

130

110

180

14 - Lanaudière

130,69

15,16

130

100

150

11 - Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine

127,50

22,17

120

110

160

05 - Estrie

126,67

19,09

125

90

180

12 - Chaudière-Appalaches

126,00

11,97

120

110

145

13 - Laval

125,00

13,07

125

105

150

03 - Capitale-Nationale

124,92

13,05

120

100

180

04 - Mauricie

120,40

17,61

120

90

50

01 - Bas-Saint-Laurent

118,64

8,97

120

100

130

09 - Côte-Nord

118,33

19,41

115

100

150

02 - Saguenay–Lac-Saint-Jean

112,08

10,10

110

90

125

17 - Centre-du-Québec

108,33

7,64

110

100

115

 

Le tableau 9 permet de jeter un œil sur les tarifs horaires moyens indiqués par les répondants pour d’autres activités cliniques en plus de la psychothérapie, comme les évaluations et les expertises. Le mode de facturation par montant forfaitaire a aussi été sondé parmi les répondants – ce sont 20 % qui demandent un montant forfaitaire pour les évaluations psychologiques, 42,5 % pour les évaluations neuropsychologiques et 28,6 % pour les expertises. Le tableau 10 présente les moyennes pour les forfaits selon les activités cliniques sondées.


Tableau 9

Tarifs horaires moyens par activité clinique

Activité clinique

Moyenne ($)

Écart-Type ($)

Médiane ($)

Minimum ($)

Maximum ($)

Psychothérapie

132,64

20,98

130

90

275

Évaluation psychologique

141,11

27,85

140

90

300

Évaluation neuropsychologique

148,26

24,13

147

110>

250

Expertise

180,88

67,60/p>

160

100

450

Consultation/intervention – organisations

191,96

89,89

165

50

650

Coaching de gestion

190,89

129,16

160

110

800

Supervision

135,69/p>

24,55

30

75

275


Tableau 10

Montants forfaitaires moyens par activité clinique

Activité clinique

Moyenne

($)

Écart-Type ($)

Médiane

($)

Minimum

($)

Maximum ($)

Évaluation psychologique

1822,31

735,99

1950

250

3000

Évaluation neuropsychologique

2283,97

432,79

2205

1500

3150

Expertise

2535,00

839,40

2500

1000

4000

Mises ensemble, les réponses permettent de constater qu’une grande majorité de psychologues ayant répondu au sondage (88 %) demandent entre 110 et 160 dollars pour une consultation. Ce sont 6 % qui demandent entre 90 et 105 dollars, puis 6 % qui demandent 165 dollars et plus. Notons par ailleurs que ce sont plus d’un psychologue sur deux (56,5 %) qui offrent une tarification modulée pour accommoder certains clients. En comparaison, l’étude de Kalogeropoulos et ses collaborateurs (2018) auprès de psychologues québécois en pratique privée (n = 526) faisait état d’un taux horaire moyen de 96,6 $ (ÉT = 16,2), en juin 2014, avec un minimum de 55 dollars et un maximum de 150 dollars. Il s’agit donc, en comparant les deux moyennes où une différence de 36,04 dollars est retenue, d’une augmentation moyenne de 4 dollars par année entre 2014 et 2023, soit environ 4 % par année. Soulignons en outre que 24 % des répondants avaient indiqué en 2014 offrir une tarification modulée – ce chiffre a plus que doublé depuis.

Ajustement et fixation des tarifs pour les services psychologiques
Certaines questions du sondage se sont penchées sur la fréquence des ajustements et de la démarche inhérente à la fixation des tarifs pour les services psychologiques. À ce sujet, 64,2 % des répondants rapportent avoir ajusté leur tarif dans la dernière année (depuis la période allant de juillet à septembre 2022), et, de façon cumulative, 92 % l’ont fait dans les deux dernières années – le dernier ajustement tarifaire remonte à plus de trois ans pour 8,2 % de l’échantillon. De façon plus générale, 30,8 % des répondants indiquent ajuster leur tarif chaque année et 53,5 % le font tous les deux à quatre ans. Ce sont ensuite 8,1 % qui affirment ajuster leur tarif aux cinq années et plus – 7,5 % des répondants indiquent débuter leur pratique et n’avoir jamais ajusté leur tarif. Mentionnons au passage que les montants (ou les pourcentages) associés aux ajustements tarifaires n’ont pas été sondés.

En ce qui a trait au degré de difficulté lié à la fixation et à l’ajustement des tarifs, les répondants sont partagés – 44,3 % sont en désaccord avec la proposition que cela soit un exercice relativement facile. Ces réponses sont cohérentes avec le fait qu’une forte majorité de répondants (70,2 %) sont en accord avec l’idée qu’un barème tarifaire de référence pourrait être utile et facilitant pour la fixation et l’ajustement des tarifs. Soulignons au passage que plusieurs provinces canadiennes disposent de barèmes tarifaires mis à la disposition des psychologues par les associations, de façon générale, lesquels sont également rendus disponibles à la population à titre de balises (tableau 11).

Au demeurant, parmi un ensemble de critères énumérés, les trois suivants sont jugés par les répondants comme les plus importants dans la fixation des tarifs : 1) expérience et compétence du psychologue, 2) comparaison avec les tarifs en vigueur dans votre secteur et 3) complexité de la clientèle, type de mandats ou du champ de pratique. Les trois critères jugés comme les moins importants par les psychologues ayant pris part à cette consultation sont : 1) volume de demandes, 2) notoriété du psychologue et 3) région de pratique. Il est intéressant de relever que bien que la région de pratique ne soit pas jugée comme importante comme critère dans la fixation des tarifs, les chiffres colligés dans le présent sondage font néanmoins état d’une disparité régionale. Les tarifs en vigueur dans le secteur de pratique contrebalancent vraisemblablement ce critère.


Tableau 11

Exemples de barème tarifaire canadien – 2023

Province

Tarif suggéré

($/séance)

Source

Colombie-Britannique

235

British Columbia psychological association

Alberta

220

Psychologist association of Alberta

Saskatchewan

200

Psychology association of Saskatchewan

Manitoba

215

Manitoba psychological society

Nouveau-Brunswick

210

Collège des psychologues du Nouveau-Brunswick

 

Conclusion

Malgré les limites inhérentes à tout sondage, les données présentées ici permettent de dégager certains constats utiles et éclairants au regard des trois consultations portant sur : 1) évaluation du risque suicidaire, 2) disponibilités et liste d’attente en pratique privée et 3) tarification des services en pratique privée. D’abord, il appert que les enjeux liés au risque suicidaire sont une réalité clinique manifeste dans la pratique des psychologues qui ont répondu au sondage, lesquels relatent par ailleurs se sentir majoritairement bien formés et outillés en ce sens. Rappelons également qu’un répondant sur deux (49 %) rapporte avoir déjà été confronté à des enjeux déontologiques ou de bris de confidentialité à l’égard du risque suicidaire. Ensuite, il ne fait aucun doute que les cabinets privés sont très sollicités par la population; notamment, les délais de prise en charge pour de nouveaux clients sont, dans la majorité des cas, supérieurs à un mois – seulement 30 % des répondants indiquent pouvoir accueillir de nouveaux clients à l’intérieur d’un mois. En ce qui a trait aux données portant sur la tarification, les données présentées contribuent à mieux documenter non seulement les tarifs moyens, leur variabilité et leur étendue, mais aussi le fait qu’il n’est pas facile, pour de nombreux répondants, de fixer et d’ajuster leur tarif.

Bibliographie