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Groupe de travail présidé par Hélène David – Résultats du sondage de l’Ordre

Dr William Aubé, neuropsychologue et conseiller scientifique à la Direction des communications de l'Ordre des psychologues du Québec - waube@ordrepsy.qc.ca


Dans la foulée du mandat confié à Mme Hélène David, nommée à la présidence d’un groupe de travail sur l’optimisation de la formation en psychologie et en santé mentale, l’Ordre a invité ses membres à répondre à un sondage sur la nouvelle plateforme Léxi afin d’obtenir l’avis des psychologues sur les différents enjeux soulevés et de pouvoir fournir un état de la situation aux assises bien ancrées.

Ce sont donc 1310 psychologues qui ont répondu aux questions du sondage (non probabiliste) entre le 6 et le 12 février 2023. Dans l’ensemble, la répartition géographique des répondants et la répartition de leur pratique professionnelle sont représentatives des données issues du tableau de l’Ordre. Les résultats de ce sondage seront brièvement présentés dans cette chronique ; de plus, vous trouverez dans la version numérique de ce texte toutes les informations démographiques des répondants, en plus de graphiques et de tableaux illustrant les différentes données compilées dans le cadre de cette consultation. Mentionnons tout de même qu’au regard du milieu de travail, ce sont 70 % des répondants qui ont déjà exercé dans le réseau de la santé – dont 34 % le font actuellement – et 30 % qui n’y ont jamais exercé1.

Rappelons que le sondage était divisé en trois volets. Le premier volet portait sur l’intégration des bacheliers, le deuxième sur la formation en psychologie, et le troisième sur la supervision. Il va sans dire que les milieux de pratique et les réalités des psychologues sont très hétérogènes – et parfois uniques –, ce qui invite à la prudence dans l’analyse et l’interprétation des résultats.

Que pensent les psychologues de l’ajout de bacheliers dans le RSSS?
Une des principales questions du sondage concernait l’utilité perçue de l’ajout de bacheliers dans le réseau de la santé et des services sociaux (RSSS). À la question : « Selon vous, est-ce que l’ajout de bacheliers en psychologie dans le RSSS pourrait être utile pour accomplir des tâches qui ne sont pas des activités réservées ? », 57 % ont répondu oui. Toutefois, les données diffèrent selon l’état de la pratique dans le RSSS (J’y exerce actuellement, J’y ai déjà exercé – parmi les cinq dernières années, J’y ai déjà exercé – il y a plus de cinq ans, Je n’y ai jamais exercé). En fait, 55 % des psychologues qui pratiquent actuellement dans le RSSS jugent non utile l’ajout de bacheliers (voir graphique 1). Parmi ceux qui n’ont jamais exercé dans le réseau et ceux qui y ont exercé il y a plus de cinq ans, en revanche, près de 70 % considèrent l’ajout de bacheliers comme pouvant être utile.

Et les psychométriciens?
Dans le premier volet de ce sondage, on trouvait également la question suivante : « Est-ce qu’un modèle où un psychométricien travaillant sous la supervision d’un psychologue, comme cela se pratique en Ontario ou aux États-Unis, pour administrer certains questionnaires et tests aux usagers pourrait être pertinent dans le réseau public québécois ? »

La majorité des répondants (58 %) jugent le modèle du psychométricien sous supervision pertinent pour le RSSS. Or, comme pour la question précédente, les réponses doivent être ventilées selon l’état de la pratique dans le RSSS. On constate alors que la majorité des répondants (57 %) qui exercent actuellement dans le RSSS indiquent « non » à la question. Ceux qui n’ont jamais exercé dans le RSSS répondent quant à eux « oui » à hauteur de 74 %, tandis que ceux qui y ont exercé il y a plus de cinq ans répondent par l’affirmative dans une proportion de 69 %.

Des avis partagés
Ainsi, il appert que les psychologues qui exercent actuellement dans le RSSS ont un avis distinct de celui de leurs collègues qui n’y ont jamais exercé eu égard à l’intégration de bacheliers ou de psychométriciens. Ces écarts seraient-ils le reflet de réalités de pratique différentes ? Probablement. De nombreuses hypothèses peuvent être soulevées, mais il importe de demeurer prudent dans l’interprétation de ces chiffres. Les résultats confirment aussi des réalités de pratique et des besoins dissemblables au sein même du RSSS – près de la moitié des répondants (45 %) du RSSS jugent utile l’ajout de bacheliers.

Des psychologues inquiets
Par ailleurs, parmi les psychologues qui exercent actuellement dans le RSSS et qui sont plus directement concernés par le mandat du groupe de travail, plusieurs inquiétudes sont exprimées (avec une forte majorité pour les résultats « inquiet » et « très inquiet ») à l’égard de l’intégration de bacheliers dans leur milieu :

  • méconnaissance des compétences des bacheliers par les gestionnaires – 89 %
  • méconnaissance des activités réservées par les bacheliers eux-mêmes – 77 %
  • difficultés d’intégration et de partage des rôles et des responsabilités au sein des équipes de soin – 76 %
  • augmentation de la charge de travail (encadrement des bacheliers) – 68 %

Il est intéressant de relever que les psychologues du RSSS partagent en majorité les mêmes inquiétudes, qu’ils jugent utile ou non l’ajout de bacheliers.

Quelles tâches pour les bacheliers ?
Consultés plus spécialement sur le degré de contribution des bacheliers à des tâches précises pour potentiellement améliorer l’accès aux services, les psychologues du RSSS offrent des réponses hétérogènes. En moyenne, 65 % des répondants du RSSS jugent que la contribution des bacheliers pour des tâches d’intervention ou de recension de données cliniques serait peu ou pas du tout utile. Les interventions où les bacheliers seraient le moins utiles sont : 1) l’intervention de crise (71 %), 2) l’assistance dans la passation de certains questionnaires ou tests (69 %), 3) l’animation de groupes de soutien (69 %) et 4) l’enseignement des autosoins (68 %). Les interventions où la contribution des bacheliers serait considérée comme le plus utile (de « moyennement » à « beaucoup ») sont : 1) le soutien téléphonique (53 %), 2) l’éducation psychologique (46 %), 3) la préévaluation et la référence vers les ressources (42 %). La contribution aux tâches d’assistance et de soutien à l’équipe (ex. : entrée de données, gestion du matériel) fait quant à elle l’objet d’avis très partagés (moitié/moitié).

Ces réponses soulèvent de nombreux questionnements et invitent à la prudence relativement aux tâches qui pourront être confiées aux bacheliers. Le cas échéant, les tâches attribuées à ces derniers devraient sans aucun doute s’arrimer avec les besoins spécifiques de chaque milieu afin que l’objectif d’un meilleur accès aux soins soit atteint.

Qu’en est-il de la formation en psychologie?
Le second volet du sondage visait à colliger l’avis des psychologues quant au parcours de formation, qu’il s’agisse de sa nature ou de sa fluidité. D’abord, 84 % des répondants considèrent que le baccalauréat en psychologie devrait comporter systématiquement des cours ou des stages permettant d’intégrer des compétences relationnelles (intervention, relation d’aide, écoute active, etc.). Sur le plan de la formation doctorale, une majorité (81 %) est aussi d’avis que le nombre de places au doctorat en psychologie devrait être augmenté, avec une bonification notamment du nombre de professeurs chargés de clinique et de superviseurs dans les universités et les milieux de travail.

Le sondage s’est aussi penché sur la durée des études doctorales. Parmi les répondants, la durée moyenne est de 5,6 années (ÉT = 1,7) pour le cheminement en (neuro)psychologie clinique (D. Psy.) et de 6,5 années (ÉT = 1,5) pour le cheminement en recherche/intervention (Ph. D.). Des chiffres similaires sont consignés par le Bureau de la coopération interuniversitaire (BCI, 2009-2021), avec en moyenne 5,0 années pour le D. Psy. et 6,3 années pour la durée totale du Ph. D. Au-delà des moyennes, la répartition des répondants selon la durée des études doctorales permet de constater que 59 % ont terminé leur D. Psy. en 5 ans et moins, alors que 30 % ont terminé leur Ph. D. dans les mêmes délais (voir tableau en ligne). Par ailleurs, selon nos données internes, près de la moitié des permis octroyés (46 %) depuis janvier 2015 concernent des candidats détenant un diplôme de D. Psy. et le tiers, des candidats détenant un diplôme de Ph. D. (32 %) – le nombre de diplômes de D. Psy. est vraisemblablement en croissance parmi les membres.

Bien qu’il y ait évidemment d’innombrables facteurs pouvant expliquer la variabilité de la durée des études doctorales, une majorité de répondants retiennent plus particulièrement deux éléments au regard de la fluidité du parcours pour l’obtention du permis de psychologue, qui pourraient être révisés afin d’améliorer le cheminement, soit : la thèse, l’essai doctoral ou la recherche (70 %) et les délais administratifs des universités (64 %).

Et l’exercice de la supervision?
Le dernier volet du sondage avait pour objectif de documenter l’exercice de la supervision, considérant le rôle essentiel des superviseurs dans la formation des futurs psychologues.

D’abord, on trouve un plus grand bassin de superviseurs (44 %) parmi les répondants qui exercent dans le RSSS, en comparaison, notamment, de ceux qui n’y ont jamais exercé (21 %). Ensuite, parmi l’ensemble des répondants qui ne supervisent pas d’étudiants, 16 % indiquent avoir cessé de superviser.

Les motifs pour lesquels les psychologues supervisent ou non des étudiants ont aussi été sondés. Parmi les psychologues du RSSS, il y a près d’un psychologue sur deux qui ne supervise pas d’étudiants actuellement, mais qui souhaite le faire dans les prochaines années. Les répondants du RSSS indiquent divers facteurs qui les incitent à ne pas offrir de supervision, dont le manque de temps (45 %), la trop grande charge de travail (42 %) et la rémunération insuffisante pour cette tâche supplémentaire (38 %). Enfin, une forte majorité des superviseurs du RSSS apprécient le rôle de superviseur et s’y investissent en raison, notamment, d’un engagement envers la profession ou la formation de la relève (88 %), d’un intérêt pour la supervision (86 %) ou d’une vision de la supervision comme source d’apprentissage, d’enrichissement professionnel et de réflexion (81 %). Seulement 11 % indiquent superviser en raison des obligations liées à leur contrat de travail.

Conclusion
Il ne fait nul doute que de nombreux psychologues sont réticents quant à l’ajout de bacheliers dans le RSSS. À cela s’ajoutent des inquiétudes significatives et des doutes quant à la contribution clinique des bacheliers sur le terrain. Bien que les avis hétérogènes soient potentiellement le reflet des réalités distinctes des psychologues – et à ce chapitre les particularités sont nombreuses –, des réserves s’imposent dans la portée des interprétations possibles. Ce sondage aux questions ciblées ne peut prétendre avoir éclairé tous les enjeux inhérents à ce dossier et soulève d’autres questionnements.

Cela étant, les résultats du sondage mettent aussi en évidence l’avis favorable d’une grande majorité de psychologues quant au rehaussement du baccalauréat en psychologie, afin que des compétences relationnelles y soient intégrées systématiquement. Les réponses obtenues dans le cadre de cet exercice révèlent également l’accord d’une large majorité de psychologues relativement à l’augmentation du nombre de places au doctorat dans les universités. En outre, l’intérêt pour la supervision parmi les psychologues est manifeste, pourvu que des conditions de pratique favorables soient mises en place pour leur permettre de s’investir dans ce mandat exigeant. L’Ordre est bien au fait de la nécessité de rehausser les conditions de pratique et salariales dans le RSSS afin de favoriser l’accès aux services.

Note

  1. La répartition géographique des répondants est tout à fait représentative du nombre de psychologues inscrits au tableau de l’Ordre par région administrative. Chacune des régions du Québec est donc bien représentée par un nombre proportionnel de psychologues. La majorité des répondants indiquent comme secteur de pratique la psychologie clinique (65 %) ; viennent ensuite la neuropsychologie (14 %), la psychologie scolaire (8 %), l’enseignement et la recherche (7 %), la psychologie de la santé (3 %) ainsi que la psychologie du travail et des organisations (2 %).

    En ce qui a trait aux activités exercées, la majorité des répondants indiquent la psychothérapie (67 %), qui est suivie par l’évaluation des troubles mentaux (46 %), la supervision (31 %), l’évaluation des troubles neuropsychologiques (14 %) et l’expertise (6 %). En comparaison, les données issues du tableau de l’Ordre indiquent que 70 % des psychologues exercent la psychothérapie, 32 % l’évaluation des troubles mentaux, 30 % la supervision et 12 % l’évaluation des troubles neuropsychologiques – des pourcentages qui sont donc très similaires.