La mobilité professionnelle des psychologues
Stéphane Beaulieu, psychologue et secrétaire général de l'Ordre des psychologues du Québec - sbeaulieu@ordrepsy.qc.ca
La mobilité professionnelle a évolué de façon importante au cours des récentes années. Il fut un temps où la possibilité pour un psychologue du Québec d’aller exercer dans certaines provinces canadiennes était plutôt ardue. Cette époque est maintenant révolue. Nous verrons dans les paragraphes qui suivent comment il est aujourd’hui possible de travailler en tant que psychologue dans n’importe quelle province canadienne simplement sur la base du fait d’être détenteur du permis délivré par l’Ordre des psychologues du Québec.
On utilise les expressions « mobilité de la main-d’oeuvre » ou « mobilité professionnelle » lorsqu’il est question des ententes interjuridictionnelles en matière de professions réglementées.
Revenons quelque peu en arrière afin de nous rappeler le chemin parcouru et de mieux évaluer les gains réalisés en matière de mobilité professionnelle. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, les ordres professionnels canadiens, toutes professions confondues, ont été sollicités par les gouvernements provinciaux pour améliorer les mécanismes permettant aux professionnels d’accéder au marché du travail d’une province à l’autre. Toute la question de la mobilité professionnelle repose sur l’Accord sur le commerce intérieur (ACI) canadien. Cet accord balise les paramètres selon lesquels les provinces doivent s’entendre pour favoriser la libre circulation des biens et services. Le chapitre 7 de l’ACI prévoit des dispositions spécifiques pour les professions réglementées.
En 2001, répondant aux exigences intergouvernementales édictées dans l’ACI, les organismes canadiens de réglementation en psychologie ont signé le premier accord de reconnaissance mutuelle (ARM). Ce fut le premier accord du genre pour la profession de psychologue au Canada. À cette époque, bien que l’accord représentait une avancée majeure, celui-ci comportait des limites importantes. Ainsi, l’ARM établissait une différence entre les psychologues détenteurs d’un diplôme de maîtrise et les détenteurs de diplôme de doctorat. Ceci avait comme conséquence qu’un psychologue du Québec détenteur d’une maîtrise n’avait pas accès au titre de psychologue en Ontario. On lui donnait accès au titre de psychological associate. Le « psychologue associé » était désavantagé, parce qu’il n’avait pas accès aux mêmes emplois et avait des revenus plus bas que ceux du psychologue.
En 2009, les gouvernements provinciaux se sont réunis de nouveau pour moderniser l’ACI, en particulier le chapitre 7 portant sur la mobilité des professionnels. Cette étape a marqué un tournant déterminant pour la mobilité des professionnels au Canada. Les nouvelles normes de l’ACI ont ouvert la voie à l’ère du « permis sur permis ». En modifiant le chapitre 7, les gouvernements provinciaux s’étaient donné l’objectif de réduire au minimum, voire d’éliminer toute barrière à la mobilité professionnelle. Aujourd’hui, sept ans plus tard, toutes les provinces ont adopté de nouveaux règlements ou ont modifié des règles existantes afin de permettre l’accès à leur permis aux psychologues des autres provinces.
Au Québec, l’Ordre a adopté un règlement autorisant la délivrance du permis québécois à tout détenteur de permis provenant d’une autre province canadienne. Il n’est donc plus nécessaire pour le psychologue qui veut exercer dans une autre province de demander une équivalence et de monter un dossier comprenant ses diplômes, relevés de notes, attestations de stage et d’internat et lettres de recommandation. Aucun examen des compétences n’est autorisé en vertu du nouvel ACI. Les règles imposées par le chapitre 7 de l’ACI sont claires : un permis doit être délivré sur la simple présentation d’un autre permis. À titre d’exemple, lorsqu’un psychologue du Québec s’en va exercer dans une autre province, le secrétariat général de l’Ordre délivre une attestation confirmant qu’il détient bel et bien un droit d’exercer au Québec et le tour est joué ! Bien entendu, des conditions s’appliquent lorsqu’il y a limitation d’exercice ou antécédents judiciaires.
Les lois linguistiques s’appliquent aussi et la connaissance des règles déontologiques applicables dans la province d’accueil est requise. La nouvelle version de l’ACI a aussi réglé la question du titre de «psychologue associé » en Ontario pour les détenteurs de maîtrise québécois. Les psychologues du Québec obtiennent le titre de psychologue en Ontario, et ce, peu importe le niveau de diplôme. Il en va de même dans toutes les provinces canadiennes.
Les lois linguistiques s’appliquent aussi et la connaissance des règles déontologiques applicables dans la province d’accueil est requise. La nouvelle version de l’ACI a aussi réglé la question du titre de « psychologue associé » en Ontario pour les détenteurs de maîtrise québécois. Les psychologues du Québec obtiennent le titre de psychologue en Ontario, et ce, peu importe le niveau de diplôme. Il en va de même dans toutes les provinces canadiennes.
Les psychologues québécois peuvent donc maintenant exercer dans toutes les provinces canadiennes sur la base du permis délivré par l’Ordre des psychologues. Nous sommes vraiment dans une ère de pleine mobilité professionnelle. Il y a déjà bientôt sept ans que la nouvelle version de l’ACI est entrée en vigueur et que l’Ordre a adopté la réglementation permettant aux psychologues canadiens d’obtenir un permis au Québec sur la simple présentation du permis qu’ils détiennent dans leur province d’origine et vice versa. On constate cependant que les psychologues du Québec sont plus nombreux à aller pratiquer dans les autres provinces canadiennes que l’inverse. Ceci est peut-être lié à la question de l’exigence de la Charte de langue française. Au Québec, la Charte de la langue française s’applique aux professions réglementées et les professionnels doivent maîtriser la langue française pour obtenir un droit d’exercice permanent. Un professionnel anglophone peut obtenir un permis temporaire d’une durée d’un an, renouvelable trois fois, le temps d’apprendre le français et de réussir les examens de l’Office de la langue française. Quant aux psychologues québécois qui demandent un permis dans une autre province, ils sont au nombre de 20 à 25 par année, en moyenne. La majorité des demandes vise l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique. Le nombre moyen de psychologues canadiens qui viennent exercer au Québec est de moins de cinq annuellement.
En ce qui a trait à la mobilité nord-américaine, l’Ordre est membre d’une association qui regroupe tous les organismes réglementaires en psychologie de l’Amérique du Nord. L’Association of State and Provincial Psychology Boards (ASPPB) délivre différentes formes de « certificats de mobilité » aux psychologues qui en font la demande et qui satisfont aux critères d’obtention. L’ASPPB n’a pas de pouvoir réglementaire et les certificats qu’elle délivre ne donnent pas un droit exercice. Ils donnent plutôt une « garantie » que les psychologues qui en sont titulaires satisfont à certaines conditions et il revient ensuite aux provinces et aux États de les reconnaître ou non. Le site Web de l’ASPPB, au www.asppb.net, donne l’information pertinente au sujet des différents certificats de même que la liste des États et provinces qui les reconnaissent. Notons que les conditions pour obtenir ces certificats sont de niveau doctoral. Les types de certificats varient selon que le psychologue souhaite s’établir de façon permanente dans une nouvelle juridiction ou qu’il souhaite y exercer de façon ponctuelle. Des ententes existeront sous peu pour la pratique à distance, ou télépratique. On parle ici de « e.passeport ». Ceux-ci ne seront valides qu’aux États-Unis, par contre.
Il n’y a pratiquement plus de restriction à la mobilité des psychologues au Canada et en Amérique du Nord.