L’évaluation du TDAH en psychologie et en neuropsychologie
Dre Isabelle Marleau, psychologue et directrice de la qualité et du développement de la pratique sortante de l'Ordre des psychologue du Québec.
Tant les psychologues que les neuropsychologues sont amenés à évaluer des personnes qui peuvent présenter un trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité (TDAH). Bien que le mandat confié puisse alors être le même, la perspective est différente d’un professionnel à l’autre en fonction de la nature de la démarche entreprise pour tirer une conclusion1.
Nous proposons deux vignettes cliniques afin d’illustrer les différences entre l’évaluation du trouble mental et l’évaluation du trouble neuropsychologique dans le contexte du TDAH. Ces vignettes mettent une psychologue scolaire ainsi qu'une neuropsychologue qui doivent évaluer un enfant dont le rendement scolaire pourrait notamment être affecté par la présence d’un TDAH. Quelques rappels conceptuels sont d’abord présentés, afin de contextualiser les vignettes.
La nature de l’évaluation
Évaluer les troubles mentaux « consiste à porter un jugement clinique, à partir des informations dont le professionnel dispose, sur la nature des affections cliniquement significatives qui se caractérisent par le changement du mode de pensée, de l’humeur (affects), du comportement associé à une détresse psychique ou à une altération des fonctions mentales et à en communiquer les conclusions. Cette évaluation s’effectue selon une classification reconnue des troubles mentaux, notamment les deux classifications les plus utilisées actuellement en Amérique du Nord, soit la CIM et le DSM2 ».
L’évaluation des troubles mentaux est une activité réservée. Tous les psychologues compétents en la matière sont habilités à procéder à l’évaluation des troubles mentaux et à poser un diagnostic psychologique de trouble mental, dont le TDAH.
Évaluer les troubles neuropsychologiques « consiste à porter un jugement clinique sur la nature des affections cliniquement significatives qui se caractérisent par des changements neurocomportementaux (de nature cognitive, émotionnelle et comportementale) liés au dysfonctionnement des fonctions mentales supérieures à la suite d’atteintes du système nerveux central et à en communiquer les résultats3 ». L’évaluation neuropsychologique « vise à établir un lien cerveau-comportement, soit un lien entre une affection clinique et une altération possible ou confirmée des fonctions cérébrales, plus spécifiquement des fonctions mentales supérieures ou fonctions cognitives4 ».
Seuls les psychologues titulaires d’une attestation de formation pour l’évaluation des troubles neuropsychologiques délivrée par l’Ordre des psychologues peuvent évaluer les troubles neuropsychologiques et conclure à leur présence éventuelle.
Les diagnostics psychologique et neuropsychologique
Les psychologues peuvent poser un diagnostic psychologique de TDAH quand ils relèvent la présence d’un certain nombre des comportements répertoriés, entre autres, par la CIM ou le DSM. Les exigences méthodologiques et les critères retenus pour conclure à un tel trouble ne reposent pas sur l’évaluation des fonctions mentales supérieures (parfois aussi désignées comme fonctions cognitives).
L’évaluation psychologique des personnes qui peuvent présenter un TDAH, tout comme l’évaluation neuropsychologique de ces personnes, pourraient notamment mettre en lumière des difficultés de comportement, des problèmes psychoaffectifs ou permettre de contribuer au plan de services ou au plan d’intervention. Or, l’obtention d’un diagnostic neuropsychologique, que seul le neuropsychologue peut poser, pourrait s’avérer essentielle, notamment s’il y a soupçon d’une altération des fonctions mentales supérieures ou s’il est nécessaire de statuer sur le lien entre des manifestations cliniques (comportements) et le fonctionnement du cerveau.
Le neuropsychologue peut aussi conclure à la présence d’un TDAH (trouble mental) sur la base d’observations comportementales. Selon le mandat qui lui a été confié, il peut se limiter à ce type de conclusions, comme il pourrait procéder à l’évaluation de différentes fonctions mentales supérieures pour les mettre en relation, conclure à la présence d’un trouble d’une ou de plusieurs de ces fonctions (ex. : trouble d’attention soutenue) et établir le profil cognitif.
La distinction entre l’appréciation des fonctions mentales supérieures et son évaluation
L’appréciation « [...] se définit par une prise en considération des indicateurs (symptômes, manifestations cliniques, difficultés ou autres) obtenus à l’aide d’observations cliniques, de tests ou d’instruments5 ». Dans le cadre de l’évaluation du TDAH, le psychologue peut établir son diagnostic psychologique en s’appuyant sur l’appréciation de l’attention que peut lui permettre par exemple le recours à certains outils. Toutefois, l’attention étant une fonction mentale supérieure, le psychologue n’en fait pas l’évaluation et il ne peut tirer de conclusion sur les fonctions attentionnelles ni les mettre en relation avec d’autres fonctions mentales supérieures. Il conclut plutôt à la présence éventuelle du TDAH en s’appuyant sur les critères établis par la CIM ou le DSM.
L’évaluation « [...] implique de porter un jugement clinique sur la situation d’une personne à partir des informations dont le professionnel dispose et de communiquer les conclusions de ce jugement6 ». L’évaluation de l’attention ainsi que l’évaluation des différents types d’attention reviennent au neuropsychologue.
L’utilisation des tests
Étant donné que l’utilisation des tests n’est pas réservée et que le degré d’investigation des fonctions mentales supérieures varie selon qu’il s’agit d’apprécier ou d’évaluer, il revient au psychologue de décider des moyens à privilégier pour répondre au mandat qui lui est confié. L’utilisation de tests n’est pas une obligation pour conclure à un diagnostic psychologique de TDAH. Cependant, le recours aux tests pourrait notamment permettre de diversifier les sources d’information (entrevues, observations, questionnaires). Le cas échéant, il faut s’assurer de la pertinence et de l’efficience des outils retenus. Dans le cadre de l’évaluation du TDAH, l’utilisation des tests relatifs aux fonctions attentionnelles, s’ils sont jugés pertinents par le psychologue, pourrait servir à élargir le champ d’observation comportementale dans le but de vérifier si le client répond aux critères de la CIM ou du DSM. Leur recours ne vise pas à conclure sur la présence ou la nature d’une dysfonction cognitive, et ce, même si, par exemple, le test permettrait de documenter l’attention soutenue ou le contrôle attentionnel. Le psychologue doit se limiter à relever les difficultés du client à s’acquitter des tâches auxquelles il est soumis et à faire état de son rendement aux tests7.
Le TDAH : vignettes cliniques
Dans le contexte de la présence d’un TDAH, deux vignettes cliniques sont présentées pour illustrer comment se distinguent l’évaluation des troubles mentaux et celle des troubles neuropsychologiques. Les vignettes mettent en situation un même jeune qui serait évalué par une psychologue scolaire ou par une neuropsychologue. Chaque démarche évaluative permet l’exploration d’un champ propre, et ce, aussi profondément que le requiert le mandat et que le permettent l’expertise et l’habilitation du psychologue impliqué.
À noter que ces vignettes se présentent sous forme d’extraits de rapports psychologiques. Cela ne se veut ni exhaustif ni exemplaire en matière de rédaction de rapports ou de tenue de dossiers. De plus, les outils psychométriques auxquels réfèrent ces vignettes sont présentés à titre indicatif seulement, leur choix devant revenir au professionnel mandaté8.
Évaluation du trouble mental |
Évaluation du trouble neuropsychologique |
Motif de consultation Une demande d’évaluation a été formulée par l’équipe-école, en concertation avec les parents de Julien, 9 ans. Les intervenants et les parents sont préoccupés, car Julien peine à maintenir son attention et il manifeste des difficultés de comportement (opposition envers les parents et rejet par les pairs), et ce, malgré toutes les interventions mises en place jusqu’à maintenant. L’évaluation psychologique est demandée afin d’établir un portrait des forces et des faiblesses de l’enfant, dans le but de mieux comprendre les difficultés et d’orienter les futures interventions. |
Motif de consultation Une demande d’évaluation a été formulée par les parents de Julien, 9 ans, en concertation avec son pédiatre. Les parents et le pédiatre sont préoccupés, car Julien peine à maintenir son attention et il manifeste des difficultés de comportement (opposition envers les parents et rejet par les pairs), et ce, malgré toutes les interventions mises en place jusqu’à maintenant. L’évaluation neuropsychologique est demandée afin d’établir le profil cognitif de l’enfant, dans le but de mieux comprendre les difficultés et d’orienter les futures interventions. |
Évaluation du trouble mental |
Évaluation du trouble neuropsychologique |
Démarche évaluative Entrevue avec les parents. Entrevue avec l’enseignante. Observations en classe. Entrevue avec Julien. Tests et questionnaires :
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Démarche évaluative Entrevue avec les parents. Entrevue téléphonique avec l’enseignante. Tests et questionnaires :
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Évaluation du trouble mental |
Évaluation du trouble neuropsychologique |
Démarche évaluative Entrevue avec les parents. Entrevue avec l’enseignante. Observations en classe. Entrevue avec Julien. Tests et questionnaires :
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Démarche évaluative Entrevue avec les parents. Entrevue téléphonique avec l’enseignante. Tests et questionnaires :
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Évaluation du trouble mental |
Évaluation du trouble neuropsychologique |
Entrevue avec les parents Les parents de Julien rapportent que leur fils est persévérant et souhaite plaire. Ils reconnaissent les difficultés de leur fils et sont à la recherche de solutions. Ils se montrent à l’écoute de ses besoins et lui ont toujours offert leur soutien, ce qui peut être considéré comme un facteur de protection. Cela lui aura probablement permis de répondre minimalement aux exigences scolaires et de passer d’un niveau à l’autre. Les parents considèrent que Julien a des difficultés significatives lorsqu’il est question de rester attentif, de planifier une activité ou de s’organiser. Il aurait de la difficulté à se souvenir de détails et il oublie des choses nécessaires pour accomplir ses tâches quotidiennes. Ils ont fait de tels constats assez tôt dans l’enfance, mais ces manifestations ont pris plus d’ampleur quand Julien s’est engagé au 2e cycle du primaire. Les parents rapportent que, selon les derniers bulletins, Julien aurait besoin de plus de temps que les autres enfants pour terminer des travaux. Entrevue avec l’enseignante L’enseignante décrit Julien comme un garçon curieux. Elle rapporte qu’il a besoin de fréquents rappels pour suivre les consignes et rester concentré sur la tâche demandée. Elle observe qu’il ne termine pas toujours ce qu’il entreprend et qu’il a de la difficulté à respecter les tours de parole. Elle note des difficultés sur le plan de l’organisation qui se traduisent par de nombreux oublis ou pertes de matériel. Souvent, Julien ne prête pas attention aux détails et il a du mal à organiser ses travaux. De plus, il évite ou fait à contrecœur les tâches qui nécessitent un effort mental soutenu et se laisse distraire par les stimuli externes. L’enseignante mentionne que la majorité des difficultés de Julien persistent malgré les interventions qu’elle a mises en place. Selon son enseignante, Julien entretiendrait généralement de bonnes relations avec ses pairs, notamment en raison de son sens de l’humour et de sa générosité. Julien pourrait toutefois être impulsif et colérique lorsqu’il n’obtient pas tout de suite quelque chose ou lorsqu’il perçoit un sentiment d’injustice. Observations en classe L’observation des comportements de Julien en classe s’est faite à trois reprises. On constate qu’il répond mieux aux consignes verbales de son enseignante lorsque celle-ci s’approche et établit un contact visuel avec lui. Facilement distrait, Julien profite de certains aménagements qui ont été mis en place afin de minimiser les distractions (par exemple, son bureau est maintenant situé près de celui de son enseignante). Julien peine à tenir en place : il se tortille sur sa chaise et joue avec ses crayons, lesquels se retrouvent sous son bureau à quelques reprises. Il a besoin de nombreux rappels verbaux et gestuels pour se recentrer sur la tâche. Julien participe activement aux discussions en classe, mais il éprouve de la difficulté à attendre son tour lorsqu’il connaît la réponse. Il peut alors interrompre les autres. Aussi, Julien est lunatique. Il est tout de même respectueux de l’autorité et se montre triste quand il réalise avoir déçu les adultes. Lorsque vient le temps de préparer son matériel scolaire, Julien porte peu attention aux consignes rédigées au tableau. Il regarde par la fenêtre et se balance sur sa chaise. Il est mal organisé; il lui arrive d’ouvrir et de fermer son bureau à quelques reprises et d’oublier d’apporter son agenda. Entrevue avec Julien : participation Julien s’exprime bien et il établit une bonne relation. Toutefois, il a besoin de pauses. Il a aussi tendance à oublier les consignes en cours d’exécution, à toucher les objets autour de lui, à chantonner, à bouger et à interrompre l’examinatrice. Il s’exécute lentement, notamment pour ce qui est des tâches demandant l’utilisation simultanée des processus visuels et verbaux. Il éprouve de la difficulté à planifier les étapes à suivre et il a du mal à s’organiser seul, sans aide. |
Entrevue avec les parents Les parents de Julien rapportent que leur fils est persévérant et souhaite plaire. Ils reconnaissent les difficultés de leur fils et sont à la recherche de solutions. Ils se montrent à l’écoute de ses besoins et lui ont toujours offert leur soutien, ce qui peut être considéré comme un facteur de protection. Cela lui aura probablement permis de répondre minimalement aux exigences scolaires et de passer d’un niveau à l’autre. Les parents considèrent que Julien a des difficultés significatives lorsqu’il est question de rester attentif, de planifier une activité ou de s’organiser. Il aurait de la difficulté à se souvenir de détails et il oublie des choses nécessaires pour accomplir ses tâches quotidiennes. Ils ont fait de tels constats assez tôt dans l’enfance, mais ces manifestations ont pris plus d’ampleur quand Julien s’est engagé au 2e cycle du primaire. Les parents rapportent que, selon les derniers bulletins, Julien aurait besoin de plus de temps que les autres enfants pour terminer des travaux. Entrevue téléphonique avec l’enseignante L’enseignante décrit Julien comme un garçon curieux. Elle rapporte qu’il a besoin de fréquents rappels pour suivre les consignes et rester concentré sur la tâche demandée. Elle observe qu’il ne termine pas toujours ce qu’il entreprend et qu’il a de la difficulté à respecter les tours de parole. Elle note des difficultés sur le plan de l’organisation qui se traduisent par de nombreux oublis ou pertes de matériel. Souvent, Julien ne prête pas attention aux détails et il a du mal à organiser ses travaux. De plus, il évite ou fait à contrecœur les tâches qui nécessitent un effort mental soutenu et se laisse distraire par les stimuli externes. L’enseignante mentionne que la majorité des difficultés de Julien persistent malgré les interventions qu’elle a mises en place. Selon son enseignante, Julien entretiendrait généralement de bonnes relations avec ses pairs, notamment en raison de son sens de l’humour et de sa générosité. Julien pourrait toutefois être impulsif et colérique lorsqu’il n’obtient pas tout de suite quelque chose ou lorsqu’il perçoit un sentiment d’injustice. Observations lors du testing Julien établit une bonne relation et ne donne aucun signe d’anxiété. Il fournit les efforts adéquats, mais termine parfois rapidement les tâches, au détriment de la qualité du travail. Des signes d’impulsivité, d’agitation motrice et d’inattention sont observés. De plus, Julien commet beaucoup d’erreurs et rapporte que ses idées se bousculent dans sa tête. Compte tenu de la bonne collaboration, le rendement semble valide et représentatif du fonctionnement actuel. |
Évaluation du trouble mental |
Évaluation du trouble neuropsychologique |
Résultats Julien a bien collaboré à l’échelle d’intelligence de Wechsler pour enfants version pour francophones du Canada, 5e édition, ce qui donne à croire que son rendement sur le plan des habiletés intellectuelles est valide et représentatif. Le résultat à l’échelle globale de quotient intellectuel se situe au niveau de l’intelligence moyenne (63e rang centile) : Julien est dans la moyenne des enfants de son âge. Plus spécifiquement, les indices de compréhension verbale et d’habiletés visuospatiales se situent dans la moyenne en comparaison des jeunes de son âge (63e rang centile). Lorsqu’il accomplissait ces tâches, Julien a fait de nombreuses demandes de répétition des consignes. Il a fallu l’aider à se concentrer fréquemment. De plus, il s’est désorganisé en présence de distracteurs. Les indices de raisonnement fluide et de mémoire de travail constituent des faiblesses personnelles ou relatives (37e et 21e rang centile, respectivement), bien qu’ils se situent dans la moyenne des jeunes de son âge. Dans la tâche de répétition d’une série de chiffres, Julien a demandé de répéter la série tout de suite après qu’elle ait été énoncée, comme s’il ne l’avait pas entendue, et ce, à plusieurs reprises. L’indice de vitesse de traitement de l’information se situe sous la moyenne des jeunes de son âge (7e rang centile). Lors de ces tâches, Julien a éprouvé de la difficulté à se repérer sur la feuille, ce qui a engendré de nombreuses erreurs. Tea-Ch9 Julien obtient globalement de bons résultats aux épreuves qui ont interpelé son attention sous diverses conditions. Il obtient un résultat au niveau très élevé dans les tâches Recherche dans le ciel, Coup de fusil et Petits bonhommes verts (92e rang centile) et dans la moyenne faible pour la tâche Faire deux choses à la fois (15e rang centile). On remarque néanmoins, sur les plans comportemental et qualitatif, que Julien a dû fournir un effort pour réguler sa motivation sur une longue période temps. Il s’est plaint de la longueur des tâches et s’est impatienté alors qu’il accomplissait une tâche qui s’est déroulée à un rythme plus lent. Dans ces épreuves, Julien a travaillé souvent rapidement et sa vitesse lui a permis de compenser ses erreurs (observées, mais non calculées par le test). De plus, pour les tâches qui contenaient une certaine surcharge visuelle ou auditive (de nombreux distracteurs), Julien a fait plus d’erreurs. Les observations donnent donc à croire qu’il a peu de tolérance à la répétition ou à l’ennui. |
Résultats Fonctionnement intellectuel global Au WISC-V, le rendement intellectuel global de Julien est dans la moyenne de celui des enfants de son âge (63e rang centile). Le profil cognitif dégagé est cependant hétérogène, car il y a des différences significatives entre les échelles. Les indices de raisonnement fluide et d’habiletés visuospatiales du WISC-V se situent dans la moyenne (respectivement 37e et 63e rang centile), tout comme l’indice de compréhension verbale (63e rang centile). Ces résultats suggèrent que les capacités visuelles et verbales de Julien sont préservées et peuvent lui permettre de réussir son parcours scolaire. Habiletés verbales Sur le plan réceptif, Julien présente une bonne compréhension du vocabulaire, des questions posées et des consignes. Qualitativement, il s’exprime de manière cohérente et spontanée. On n’observe aucune difficulté de prononciation ou d’évocation verbale. Durant les épreuves, il est capable de définir des mots de vocabulaire (résultats dans la moyenne) ou encore d’établir des liens abstraits et logiques entre des concepts verbaux (résultats dans la moyenne). Fonctions attentionnelles, vitesse de traitement de l’information et mémoire de travail Les capacités d’attention sélective en modalité visuelle et verbale sont adéquates chez Julien. Cependant, on note une fragilité (moyenne faible) de l’attention divisée (réaliser plus d’une tâche à la fois). Dans une tâche d’attention soutenue auditive, le rendement se situe dans la zone très faible, ce qui signifie que Julien présente de la difficulté à rester concentré sur une longue période. Julien présente aussi une fragilité à rester concentré sur une tâche nécessitant de l’attention soutenue visuelle (moyenne faible). L’indice de vitesse de traitement de l’information du WISC-V se situe sous la moyenne des jeunes de son âge (7e rang centile). Étant donné que la vitesse de traitement est hautement liée aux fonctions attentionnelles, il est possible que des fuites attentionnelles se soient produites durant ces tâches. Finalement, l’indice de mémoire de travail du WISC-V se situe dans la moyenne faible en comparaison à ses pairs (21e rang centile). Julien présente donc des fragilités sur le plan de la mémoire de travail. Fonctions exécutives Julien présente des difficultés exécutives, notamment pour la planification et l’inhibition cognitive. Les retards de développement de ses fonctions exécutives ont des répercussions significatives sur son fonctionnement quotidien. Le rendement à la tâche d’inhibition cognitive se situe au niveau extrêmement faible. Qualitativement, Julien entreprend rapidement les tâches, ce qui le fait parfois tomber dans des pièges. L’inhibition de distractions internes (ses pensées) et externes (bruits, objets) représente pour lui un défi. Les capacités de planification sont atteintes. En effet, dans une des tâches, Julien arrive à planifier un trajet, mais il débute sans planifier toutes les étapes, de sorte qu’il commet plusieurs erreurs. En ce qui concerne la flexibilité cognitive, le rendement de Julien se situe entre la moyenne et la moyenne faible. De plus, lorsqu’une tâche lui demande de générer des stratégies pour être efficace, Julien a tendance à débuter rapidement en se réajustant au fur et à mesure. Qualitativement, lorsqu’on lui présente plusieurs options de stratégie, Julien ne privilégie pas nécessairement la stratégie optimale. Mémoire à long terme Pour la mémoire verbale, Julien est capable de mémoriser les informations déjà organisées et mises en contexte (par exemple des histoires). Il peut réciter une histoire immédiatement après l’avoir entendue ou un peu plus tard et il peut reconnaître des éléments présents ou absents d’une histoire (moyenne). Pour la mémorisation d’informations verbales séquentielles (par exemple une liste de mots), le rendement de Julien est similaire après un court et un long délai. Sa mémoire verbale à long terme est donc efficace. Cependant, son retard de développement des fonctions exécutives a un impact sur son efficacité à mémoriser. Ainsi, il bénéficie de la répétition et il n’opte pas spontanément pour des stratégies de mémorisation efficaces. La mémoire visuelle à long terme de Julien est efficace. En effet, il est facilement capable de se rappeler les informations présentées séquentiellement et à plusieurs reprises (moyenne). |
Évaluation du trouble mental |
Évaluation du trouble neuropsychologique |
Questionnaires Conners version 3 Ce questionnaire permet de relever, auprès de personnes gravitant autour de l’enfant, des symptômes pouvant être associés au déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité ainsi qu’à d’autres troubles potentiellement concomitants. Les informations recueillies ici sont valides. Selon l’enseignante, Julien se situe dans la norme en comparaison des jeunes de son âge pour les échelles suivantes : agressivité, trouble oppositionnel ou de la conduite, anxiété et humeur. L’enseignante de Julien rapporte seulement un peu plus d’inquiétudes que ce qui est typiquement rapporté à cet âge concernant son inattention, son hyperactivité, son impulsivité, ses problèmes d’apprentissage, ses fonctions exécutives (planification, organisation, élaboration de stratégies, attention, mémoire des détails et gestion du temps et de l’espace) et ses relations sociales. Les parents rapportent des résultats dans la norme en comparaison des jeunes de l’âge de Julien pour les échelles suivantes : hyperactivité et impulsivité, problèmes d’apprentissage, agressivité et trouble oppositionnel ou de la conduite. Ils s’inquiètent davantage au sujet de l’inattention de leur fils, de ses fonctions exécutives, de son anxiété et de son humeur. BRIEF Les résultats au questionnaire BRIEF pourraient être présentés de façon similaire à ce qui se trouve dans la vignette du neuropsychologue. |
Questionnaires Conners version 3 Les résultats au questionnaire Conners pourraient être présentés de façon similaire à ce qui se trouve dans la vignette du psychologue. BRIEF Le questionnaire BRIEF évalue le fonctionnement exécutif dans la vie de tous les jours. La mère semble n’avoir aucune préoccupation, à l’exception de difficultés légères touchant l’échelle de mémoire de travail. Autrement, elle rapporte que Julien est généralement capable de bien réguler son comportement, de contrôler ses émotions et d’inhiber certains comportements. |
Évaluation du trouble mental |
Évaluation du trouble neuropsychologique |
Diagnostic psychologique À la lumière de l’évaluation, nous concluons que Julien répond aux critères diagnostiques d’un trouble déficitaire de l’attention de type inattention prédominante, de sévérité légère (DSM-5). On observe que Julien, notamment, fait des fautes d’étourderie dans les tâches scolaires, semble souvent ne pas écouter quand on lui parle personnellement (il a l’esprit ailleurs), a souvent du mal à organiser ses travaux ou ses activités, évite ou fait souvent à contrecœur les tâches qui nécessitent un effort mental soutenu, perd souvent les objets nécessaires à son travail et se laisse fréquemment distraire par des stimuli externes. En effet, Julien présente un mode persistant d’inattention qui interfère avec son fonctionnement et son développement, caractérisé par des symptômes qui persistent depuis au moins six mois, à un degré qui ne correspond pas au niveau de développement attendu et qui a un retentissement négatif sur ses activités sociales et scolaires (présence des symptômes à l’école et à la maison). Le trouble est qualifié de léger, car il y a peu d’altérations du fonctionnement sur le plan scolaire. En effet, bien que les résultats scolaires de Julien soient actuellement peu affectés par ses difficultés, il a besoin d’un soutien accru de la part de son enseignante et de ses parents afin de maintenir ses résultats au niveau actuel. Les impacts du trouble se font davantage sentir relativement à son fonctionnement psychoaffectif (particulièrement concernant l’estime de soi). |
Diagnostic neuropsychologique L’évaluation neuropsychologique suggère que Julien présente un fonctionnement cognitif compatible avec la présence d’un trouble du déficit de l’attention à présentation inattentive prédominante, de sévérité légère (DSM-5). Le profil cognitif de Julien se caractérise par :
Ainsi, les difficultés de Julien en contexte de résolution de problèmes peuvent être expliquées par les limitations qu’il présente quant à ses capacités d’organisation et de planification, auxquelles s’ajoutent une certaine impulsivité et une fluctuation de l’attention. La mise en place de sa réflexion peut être influencée par une faiblesse en mémoire de travail, ce qui contraint Julien à reprendre sa réflexion et allonge le temps nécessaire à la résolution de problèmes. On note aussi la présence d’impacts du trouble qui se font sentir sur le fonctionnement psychoaffectif (particulièrement concernant l’estime de soi). |
Évaluation du trouble mental |
Évaluation du trouble neuropsychologique |
Recommandations Mise en place d’un PI, qui pourrait comprendre, selon l’avis de l’équipe-école et les ressources disponibles :
Mise en place de saines habitudes de vie :
Intervention psychologique auprès de Julien et de ses parents visant la gestion du trouble en milieu familial et la consolidation de l’estime de soi de Julien. En milieu scolaire, Julien verbalise peu ses émotions, ni ne fait état de sa détresse psychologique, ce qu’il fait avec ses parents à la maison. Il serait judicieux de lui aménager un espace pour ce faire à l’école. Il importe de prendre le temps d’entendre et de reconnaître ses émotions et de mettre l’accent sur ses efforts, ses améliorations et ses réussites, afin de parer à un éventuel essoufflement et de contenir son anxiété. Julien bénéficierait d’une relation de confiance privilégiée avec son enseignante, afin de pouvoir lui demander l’aide dont il a besoin et d’obtenir son soutien. |
Recommandations Mise en place d’un PI, qui pourrait comprendre, selon l’avis de l’équipe-école et les ressources disponibles :
Mise en place de saines habitudes de vie :
Intervention psychologique auprès de Julien et de ses parents visant la gestion du trouble en milieu familial et la consolidation de l’estime de soi de Julien. |
Nous aimerions remercier les nombreux psychologues scolaires, neuropsychologues et psychologues cliniciens qui ont contribué à la rédaction et à la révision de cette chronique, sans qui cette publication n’aurait pu être rendue possible.
Notes et références
Notes
- L’évaluation des troubles mentaux et l’évaluation des troubles neuropsychologiques : précisions sur le sens et la portée de chacune de ces activités (OPQ, 2013).
- Office des professions. Guide explicatif PL 21, p. 34.
- Office des professions. Guide explicatif PL 21, p. 42.
- Office des professions. Guide explicatif PL 21, p. 42-43.
- Office des professions. Guide explicatif PL 21, p. 31.
- Office des professions. Guide explicatif PL 21, p. 28.
- Il faut souligner que certains enfants atteints de TDAH peuvent obtenir des résultats normaux à des tests psychométriques d’attention et qu’à l’inverse des enfants n’étant pas atteints de TDAH peuvent obtenir de faibles résultats à ce type de tests pour d’autres raisons cliniques.
- Se référer à la section sur l’utilisation des outils psychométriques.
- L’évaluation psychologique ne nécessite pas d’emblée de recourir à ce test et pourrait être considérée comme complète sans l’utilisation de ce test. Le psychologue pourrait toutefois en voir la pertinence : on propose ici un exemple de la façon dont les résultats peuvent être rapportés, dans l’éventualité où le psychologue choisirait de l’utiliser.
- Le choix de recourir au Tea-Ch et non à la dernière version de ce test (Tea-Ch 2) tient au fait que, selon des critiques, la sensibilité de la version mise à jour chez les enfants présentant des difficultés cognitives d’attention ne serait pas encore bien établie. Le psychologue exerce en la matière son jugement et il a la responsabilité de soutenir scientifiquement et professionnellement son choix. Nous vous référons à ces égards à Desjardins (2016). Pour en savoir plus sur le Tea-Ch 2 et sur certaines critiques qui ont été émises à l’endroit de ce test, se référer à ce document.
Références
- Ordre des psychologues du Québec (2013). L’évaluation des troubles mentaux et l’évaluation des troubles neuropsychologiques : précisions sur le sens et la portée de chacune de ces activités. Montréal, Canada : auteur.
- Desjardins, P. (2012). Évaluer les troubles mentaux et les troubles neuropsychologiques. Psychologie Québec, 29(4), 9-11.
- Desjardins, P. (2016). L’utilisation des tests : le recours aux éditions mises à jour.
- Office des professions (2013). Guide explicatif, Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines.