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Introduction au dossier – Hypnose : au-delà des idées reçues

David Ogez, psychologue | Expert invité –  david.ogez@psyintegrative.ca
Diplômé de l’Université catholique de Louvain en Belgique, il travaille depuis 25 ans en milieu médical. Président de la Société québécoise d’hypnose, il est professeur adjoint à l’Université de Montréal et chercheur à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, où il travaille sur l’implantation de l’hypnose en gestion de la douleur.


Traiter de l’hypnose dans ce dossier thématique de Psychologie Québec est l’occasion de mieux la faire connaître, mais aussi, et surtout, de répondre aux nombreux mythes et mauvaises conceptions qui subsistent malgré les données probantes issues d’études fondamentales et cliniques.

Si l’hypnose est revenue à la mode ces 20 dernières années, surtout dans le milieu médical afin de contribuer notamment à la gestion de la douleur, elle existe depuis bien longtemps. L’hypnose telle que nous la connaissons aujourd’hui trouve ses racines dans l’Antiquité, alors que des pratiques similaires étaient utilisées par les prêtres et les guérisseurs pour induire des états de transe. Au XVIIIe siècle, le médecin allemand Franz Anton Mesmer a jeté les bases de l’hypnose, bien que le terme hypnose ait été introduit ultérieurement. Si son travail a été l’objet de nombreuses critiques des comités scientifiques de l’époque, ces derniers ont reconnu que l’effet observé sur la souffrance des patients était surtout associé à leur créativité et à la présence de ressources internes. Au XIXe siècle, avec les travaux du chirurgien écossais James Braid, l’hypnose a été reconnue comme une pratique distincte et scientifique. Ayant créé le terme hypnose, Braid a exploré les applications thérapeutiques de cette pratique dans le domaine chirurgical (Gauld, 1995), lesquelles sont encore employées aujourd’hui et validées dans des études cliniques récentes. Entre autres, l’hypnose s’est montrée particulièrement efficace pour réduire les douleurs opératoires (Tefikow et al., 2013) et améliorer la qualité de vie de patients souffrant de douleurs chroniques (Langlois et al., 2022) ainsi que le sommeil de patients vivant avec l’insomnie (Chamine et al., 2018). Elle s’est également montrée utile pour aider des enfants à gérer l’anxiété associée aux procédures médicales (Birnie et al., 2018).

En psychothérapie, l’hypnose est utilisée comme outil d’intervention pour faciliter les changements comportementaux et émotionnels. Si l’hypnose proposée lors d’interventions psychothérapeutiques a longtemps été autoritaire, constituée de suggestions directes formulées en tant qu’ordres, c’est avec Milton H. Erickson, un psychiatre américain, qu’elle a pris son réel essor en psychothérapie. Erickson a développé une hypnose plus permissive, avec notamment l’utilisation de suggestions indirectes et de métaphores pour induire des changements positifs dans l’esprit inconscient du patient (Erickson et Rossi, 1979). L’hypnose permissive est particulièrement efficace pour traiter les phobies, les troubles de stress post-traumatique et les troubles anxieux. Une récente étude aléatoire contrôlée portant sur l’hypnose combinée à la thérapie cognitive comportementale (TCC) auprès de patients souffrant de dépression résistante a montré des résultats prometteurs (Ramondo et al., 2024). Aussi, des revues systématiques et des méta-analyses ont confirmé les effets de l’hypnose dans la réduction de l’anxiété (Valentine et al., 2019) et dans le traitement durable de l’état de stress post-traumatique (Rotaru et Rusu, 2016).

Mythes et mauvaises conceptions

Malgré ces nombreuses utilisations éprouvées, une panoplie de mythes entourent encore l’hypnose, vraisemblablement en raison du fait que ce terme est employé sans distinction aucune à des fins de divertissement. Alors que des recherches se penchent sur cette dernière question, une étude de portée (scoping review) a ainsi mis en évidence les mauvaises conceptions de l’hypnose qui persistent malgré les réponses apportées par la science (Geagea et al., 2023). L’une des plus courantes est l’idée que l’hypnose peut forcer une personne à faire quelque chose contre sa volonté. En réalité, l’hypnose fonctionne sur la base de la coopération et de la suggestion, une personne ne pouvant ni être hypnotisée contre son gré ni être contrainte de faire quelque chose qui va à l’encontre de ses valeurs ou de sa morale (Lynn et Kirsch, 2006). Un autre mythe, selon cette étude de portée (scoping review), est que seuls les individus faibles d’esprit peuvent être hypnotisés. En fait, la capacité à être hypnotisé dépend davantage de la suggestibilité naturelle d’une personne et de sa capacité à se concentrer et à se détendre (Barnier et Nash, 2008), et n’a donc aucun lien avec ses capacités intellectuelles. On peut parfois lire aussi que l’hypnose serait une forme de sommeil. Bien que le terme hypnose dérive du mot grec hypnos, qui signifie « sommeil », l’état hypnotique est en réalité un état de conscience modifiée distinct du sommeil. Pendant l’hypnose, les individus sont généralement éveillés et conscients de leur environnement, mais ils sont plus concentrés et réceptifs aux suggestions (Oakley et Halligan, 2013).

Afin d'améliorer la reconnaissance de l’hypnose et la lutte contre les préjugés, les recherches modernes se poursuivent, permettant de soutenir l’efficacité de l’hypnose et d’explorer plus précisément les différents processus à l’oeuvre. Pour souligner cette avancée importante, ces 20 dernières années, ce sont plus de 5000 articles de recherche qui ont été publiés et sont aujourd’hui répertoriés sur PubMed. Au Québec, le laboratoire de recherche en hypnose médicale de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, HyMed, associe des cliniciens, des cliniciens-chercheurs, des neuroscientifiques et des patients partenaires qui font avancer la recherche en hypnose. La Société québécoise d’hypnose, pour sa part, forme des psychologues, des médecins et des dentistes, alors que son comité scientifique valide les formations proposées à partir des données probantes disponibles.

Au programme de ce dossier thématique

Dans la lignée de cette reconnaissance, ce dossier thématique vise à mettre en évidence la scientificité de l’hypnose et ses différentes applications en psychologie de la santé, en psychothérapie et dans un contexte de supervision.

D’abord, les auteurs Michel Landry et Mathieu Landry explorent le rôle de l’hypnose comme adjuvant aux psychothérapies, et ce, fondé sur des données probantes. Pour répondre à ce questionnement, les procédures hypnotiques seront définies à la lumière de recherches en neuroscience et dans des études cliniques. Un protocole clinique incluant l’hypnose et applicable au domaine de la psychothérapie sera aussi détaillé.

Ensuite, Antoine de Chantérac traite de l’utilisation de l’hypnose en pédiatrie, spécifiquement dans la gestion de la douleur chronique. Caroline Ouellet, Isabelle Dodier, Pascale Vézina-Gagnon et Clarisse Defer abordent l’utilisation de l’hypnose auprès d’adultes en milieu médical, en décrivant des applications auprès de patients atteints respectivement de douleurs chroniques et de cancers.

Par ailleurs, dans un texte publié dans l’édition Web, Serge Sultan et Margot Bedu proposent la description et l’étude d’un programme de formation à la communication hypnotique pour gérer les douleurs procédurales des enfants en oncologie.

Enfin, dans un deuxième texte que vous trouverez également dans l'édition Web, Céline Castillo aborde la question cruciale de la supervision en hypnose. Pratiquer l’hypnose, c’est une autre façon de faire de la clinique. En ce sens, cela amène le clinicien à repenser son travail et à prendre en compte de nouvelles spécificités, particulièrement le développement de sa créativité professionnelle.

Nous vous souhaitons une bonne lecture, et de belles découvertes !

 

Bibliographie

  • Barnier, A. J. et Nash, M. R. (2008). The Oxford Handbook of Hypnosis : Theory, research, and practice. Oxford University Press.
     
  • Birnie, K. A., Noel, M., Chambers, C. T., Uman, L. S. et Parker, J. A. (2018). Psychological interventions for needle-related procedural pain and distress in children and adolescents. The Cochrane Database of Systematic Reviews. 10(10), CD005179.
     
  • Chamine, I., Atchley, R. et Oken, B. S. (2018). Hypnosis intervention effects on sleep outcomes : A systematic review. Journal of Clinical Sleep Medicine. 14(2), 271-283.
     
  • Erickson, M. H. et Rossi, E. L. (1979). Hypnotherapy : An exploratory casebook. Irvington.
     
  • Gauld, A. (1995). A History of Hypnotism. Cambridge University Press.
     
  • Geagea, D., Ogez, D., Kimble, R. et Tyack, Z. (2023). Demystifying hypnosis : Unravelling facts, exploring the historical roots of myths, and discerning what is hypnosis. Complementary Therapies in Clinical Practice. 52, 101776.
     
  • Langlois, P., Perrochon, A., David, R., Rainville, P., Wood, C., Vanhaudenhuyse, A., Pageaux, B., Ounajim, A., Lavallière, M., Debarnot, U., Luque-Moreno, C., Roulaud, M., Simoneau, M., Goudman. L., Moens, M., Rigoard, P. et Billot, M. (2022). Hypnosis to manage musculoskeletal and neuropathic chronic pain : A systematic review and meta-analysis. Neuroscience and Biobehavioral Reviews. 135, 104591.
     
  • Lynn, S. J. et Kirsch, I. (2006). Essentials of Clinical Hypnosis : An evidence-based approach. American Psychological Association.
     
  • Ramondo, N., Pestell, C. F., Byrne, S. M. et Gignac, G. E. (2024). Cognitive behavioral therapy and hypnosis in the treatment of major depressive disorder : A randomized control trial. International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis. 72(3), 229-253.
     
  • Rotaru, T. Ș. et Rusu, A. (2016). A meta-analysis for the efficacy of hypnotherapy in alleviating PTSD symptoms. International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis. 64(1), 116-136.
     
  • Tefikow, S., Barth, J., Maichrowitz, S., Beelmann, A., Strauss, B. et Rosendahl, J. (2013). Efficacy of hypnosis in adults undergoing surgery or medical procedures : A meta-analysis of randomized controlled trials. Clinical Psychology Review. 33(5), 623-636.
     
  • Valentine, K. E., Milling, L. S., Clark, L. J. et Moriarty, C. L. (2019). The efficacy of hypnosis as a treatment for anxiety : A meta-analysis. International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis. 67(3), 336-363.