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L’hypnose clinique : un outil efficace pour optimiser la thérapie en psychologie

Michel Landry, psychologue
Exerçant en pratique privée au Centre de consultation psychologique et d’hypnose clinique à Montréal, il est formateur, enseignant, superviseur et coordonnateur du programme de formation continue de la Société québécoise d’hypnose.

 

Mathieu Landry
Ayant achevé son doctorat en neuroscience à l’Université McGill, il est professeur suppléant au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Ses travaux de recherche explorent les dynamiques cérébrales de la conscience et de la cognition.


Tel qu’illustré dans l'introduction de ce dossier, bien qu’elle soit aujourd’hui pleinement intégrée à différentes pratiques psychothérapeutiques et médicales, l’hypnose fait encore l’objet de nombreux mythes et croyances, issus en partie de l’histoire de cette pratique (Lynn et al., 2020). Il n’existe pas de consensus scientifique sur une définition des phénomènes hypnotiques. Néanmoins, l’une des conceptions théoriques généralement acceptées par les communautés scientifique et médicale est que l’hypnose correspond à un état de suggestibilité accrue à partir duquel il est possible d’amener l’individu à produire une réponse adéquate relativement à l’objectif poursuivi (Elkins et al., 2015). C’est la réponse hypnotique (par exemple, une réponse d’analgésie) qui caractérise les phénomènes hypnotiques. Rappelons également que contrairement aux nombreux mythes qui courent à son sujet, cette réponse ne se fait pas en dépit de la volonté de la personne, mais bien de concert avec elle.

D’un point de vue historique, Milton H. Erickson (1901-1980), psychiatre américain, a profondément changé la conception de l’hypnose au point de susciter l’intérêt des professionnels de la santé en démontrant le pouvoir de l’hypnose en tant qu’outil clinique. Alors que dans la pratique antérieure un thérapeute donnait des instructions standardisées à un client passif, Erickson a notamment souligné l’importance de la relation thérapeutique interactive (Erickson et Rossi, 1981). Cette approche moins directive repose sur l’idée que chacun est plus ou moins hypnotisable lorsque l’approche est adaptée. Ainsi, Erickson défend l’idée que l’hypnose permet au patient d’activer certaines ressources psychiques pour atteindre plus facilement les objectifs thérapeutiques. Grâce à l’utilisation de l’hypnose, l’esprit peut influencer le fonctionnement du corps. Les changements de cognition influencent ainsi les réponses apportées par le corps ; la dimension psychique influence la dimension physiologique de l’individu (Landry et Raz, 2016).

Induction et suggestion

Les protocoles utilisés dans le cadre de l’hypnose clinique et médicale se divisent généralement en deux phases principales : l’induction et la suggestion. La phase d’induction a pour objectif de préparer le patient à une réponse hypnotique optimale. Durant cette étape, le clinicien guide le patient vers un état de transe hypnotique souvent caractérisé par une absorption mentale intense, une relaxation profonde, un sentiment d’automaticité et des distorsions de la perception temporelle, permettant ainsi une immersion totale dans l’expérience (Terhune et Cardeña, 2016). Un ensemble de dynamiques cérébrales complexes sont associées aux processus d’induction, incluant les réseaux cérébraux impliqués dans le contrôle attentionnel et ceux associés à l’émergence du sentiment de contrôle (Landry et Rainville, 2024). Une fois cet état atteint, la phase de suggestion intervient pour susciter une réponse hypnotique ou posthypnotique alignée avec les objectifs thérapeutiques. Les suggestions verbales ont tendance à être méticuleusement formulées pour influencer un aspect précis du fonctionnement psychique du patient (Godot, 2016). Par exemple, dans le traitement de la douleur, les suggestions d’analgésie encouragent les patients à imaginer des éléments protecteurs comme un gant, ce qui facilite la gestion de la douleur. L’efficacité de ces suggestions repose autant sur leur contenu précis que sur la manière dont le patient les interprète et les intègre. L’imagination joue souvent un rôle crucial dans ce processus, servant de véhicule entre la suggestion et la réponse hypnotique. En somme, les phénomènes hypnotiques démontrent la capacité des patients à utiliser leurs ressources cognitives pour améliorer leur contrôle sur leurs expériences subjectives et leurs comportements, ce qui, en contexte clinique, permet d’ajuster leurs schémas de pensée et leurs réactions face aux situations qui ont des répercussions sur leur qualité de vie (Terhune et al., 2017).

L’hypnose en contexte clinique et médical

Les recherches confirment que l’hypnose constitue un outil thérapeutique efficace dans plusieurs contextes cliniques (Elkins, 2016). De nombreuses méta-analyses témoignent de son efficacité dans la gestion de la douleur aiguë et chronique ou de l’anxiété, en cas de syndrome du côlon irritable, dans les thérapies cognitivo-comportementales, pour traiter la dépression ou les dépendances, en situation de post-trauma, de périnatalité, de dentisterie et de dermatologie. Trois observations découlent de l’ensemble de ces travaux de recherche. D’abord, ces résultats illustrent la polyvalence de l’hypnose en tant qu’outil thérapeutique. En outre, la taille des effets observée varie de faible à élevée, ce qui illustre que l’hypnose clinique et médicale n’est pas une solution universelle. Cela souligne le fait que, bien que l’hypnose soit un outil thérapeutique de valeur, elle présente néanmoins des limites et n’est pas efficace dans toutes les circonstances ou pour tous les patients. Finalement, ces recherches montrent qu’il existe une grande variabilité interindividuelle dans la réceptivité à l’hypnose au sein de la population. Bien que les facteurs précis sous-jacents à cette variabilité ne soient pas encore pleinement élucidés, certaines recherches pointent vers des différences de styles cognitifs et de phénoménologies. Par exemple, il apparaît que les individus hautement réceptifs aux suggestions hypnotiques peuvent être subdivisés en groupes distincts, dont un qui expérimente l’hypnose principalement à travers la dissociation (Terhune et al., 2011). Ces découvertes mettent en lumière l’hétérogénéité des réponses aux suggestions hypnotiques, renforçant la nécessité d’une approche personnalisée dans l’utilisation thérapeutique de l’hypnose.

De nombreuses études ont établi que l’hypnose clinique et médicale ne constitue pas nécessairement une thérapie autonome, mais agit plutôt comme un outil adjuvant efficace, pouvant être intégré à diverses formes de psychothérapies pour en augmenter les bénéfices. Sa pertinence et son efficacité en tant qu’adjuvant sont particulièrement remarquables dans le domaine de la psychothérapie (Alladin, 2012 ; Alladin et al., 2007 ; Kirsch et al., 1999). Par exemple, une méta-analyse qui a examiné 18 études comparant l’efficacité de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) seule et celle qu’elle a lorsqu’on la jumelle à l’hypnose dans le contexte des troubles anxieux a démontré une amélioration notable des résultats lorsque l’hypnose était incluse (Kirsch et al., 1995). Les résultats montrent une amélioration significative relative aux symptômes à la suite du traitement combiné, comparativement à l’utilisation de la TCC seule. Ces résultats ont, depuis, été validés par des travaux ultérieurs, notamment dans divers domaines d’application (Provençal et al., 2018 ; Valentine et al., 2019). L’utilisation de l’hypnose comme adjuvant thérapeutique contribue efficacement à l’atteinte des objectifs de la thérapie en ciblant spécifiquement certains symptômes. Par exemple, dans le domaine médical de l’oncologie, l’emploi de l’hypnose en complément des traitements traditionnels a prouvé son efficacité pour réduire l’impact négatif de ces traitements sur le bien-être des patients, incluant la gestion de l’anxiété et de la douleur ainsi que la fatigue ressentie (Franch et al., 2023).

Les psychologues et l’hypnose

Contrairement à une idée répandue, les professionnels de la santé qui intègrent l’hypnose dans leur pratique ne se qualifient pas d’« hypnothérapeutes ». Ce sont avant tout des spécialistes dans leurs domaines cliniques respectifs, et c’est dans le cadre de cette profession qu’ils évaluent la pertinence d’utiliser l’hypnose clinique en tant qu’outil thérapeutique. Lorsqu’ils appliquent l’hypnose, les psychologues offrent un accompagnement individualisé, structuré en plusieurs étapes essentielles. Initialement, cet accompagnement commence par l’établissement d’une alliance thérapeutique avec le patient, ce qui est fondamental pour construire une collaboration fructueuse ; un principe reconnu comme étant essentiel dans toute démarche psychothérapeutique efficace (Lecomte et al., 2004). Ce processus implique notamment une évaluation approfondie de l’état psychologique du patient, de ses besoins spécifiques, ainsi que de ses enjeux et de ses forces. Lorsqu’on l’aide à reconnaître, à nommer et à exprimer ses émotions, le patient peut commencer à mieux gérer ses expériences, à réduire ses malaises et à se sentir plus optimiste. Il est important de bien comprendre la situation actuelle du patient pour l’accompagner efficacement.

Ensuite, dans le contexte du suivi psychothérapeutique, le psychologue aide le patient à créer un plan de soutien, qui repose souvent sur la réduction du stress lié à des facteurs tels que l’anxiété, les inquiétudes, la douleur, les traumatismes, les désagréments et les douleurs associées aux traitements, ainsi que les difficultés relationnelles. Ce plan peut également viser à améliorer l’état psychologique du patient dans des situations spécifiques, comme lors d’examens médicaux, de traitements ou d’opérations chirurgicales. L’objectif de ce plan est de permettre au patient de s’engager activement dans son parcours de soins en lui donnant les moyens de mieux gérer son état psychologique.

Finalement, les psychologues prévoient typiquement une séance d’information initiale pour intégrer efficacement l’hypnose thérapeutique dans le parcours de soin. Celle-ci aide le patient à mieux comprendre l’hypnose thérapeutique et ses bienfaits en dissipant les mythes et les malentendus. Selon des études récentes, une personne bien informée collabore et participe plus activement à son traitement. L’accompagnement en hypnose thérapeutique implique par la suite les phases d’induction et de suggestion. Sauf en cas d’urgence (par exemple en cas de douleur aiguë chez un grand brûlé), il est important d’adapter ce processus au rythme d’apprentissage du patient. La sélection des méthodes et des techniques pour un plan de traitement personnalisé repose sur la créativité, l’intuition et l’expertise des professionnels de la santé formés en hypnose thérapeutique.

Conclusion

De nombreux mythes et pratiques discutables entravent l’adoption de l’hypnose comme outil thérapeutique à grande échelle dans les milieux cliniques. Malgré ces obstacles, des études continuent de démontrer son efficacité dans divers domaines cliniques. En réponse à ces défis, les organisations regroupant uniquement des professionnels de la santé et des chercheurs scientifiques jouent un rôle crucial au Québec en favorisant la diffusion et la promotion de l’hypnose en contexte clinique et médical. Cet engagement envers l’éducation et la sensibilisation aide à démystifier l’hypnose et à en reconnaître le potentiel en tant que pratique thérapeutique validée et bénéfique.

 

Bibliographie

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