Maltraitances vécues par les enfants ayant une déficience intellectuelle
Cyrielle Richard, psychologue
Spécialiste en TCC en pratique privée, elle est l’auteure de livres portant sur la psychothérapie des personnes ayant un trouble neurodéveloppemental.
La maltraitance infantile regroupe tous les types de mauvais traitements physiques, émotionnels ou sexuels ainsi que les négligences et l’exploitation entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé, la survie, le développement ou la dignité de l’enfant. La maltraitance survient généralement dans le contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir (OMS, 2022). L’exposition à des négligences dans la petite enfance est associée à un risque accru de présenter des altérations de l’ensemble du cerveau, qui peuvent perdurer jusqu’à l’âge adulte chez les personnes neurotypiques (Joseph et al., 2023). Mais qu’en est-il pour les personnes ayant un trouble du développement intellectuel (TDI)?
Les enfants ayant un TDI présentent un risque plus élevé d’être victimes de négligences (Paquette et al., 2018), d’abus émotionnels (Bitsika et Sharpley, 2014) et de maltraitances (Dion et al., 2018), comparativement à leurs pairs neurotypiques. Plummer et Findley (2012) établissent plusieurs facteurs pouvant contribuer au risque accru de maltraitances : l’isolement; la stigmatisation; la précarité; certaines caractéristiques des auteurs de violence (ces derniers pouvant mésinterpréter les difficultés des enfants, avoir eux-mêmes un TDI ou un trouble de santé mentale, vivre un sentiment d’impuissance acquis ou un stress parental accru face au TDI); la dépendance des enfants; la fragilité de l’attachement entre parents et enfants; les obstacles à l’accès aux aides matérielles et humaines; les difficultés à identifier et à nommer les abus. Les maltraitances peuvent entraîner divers symptômes psychologiques susceptibles de se superposer à ceux du TDI et d’affecter le développement et la qualité de vie (Codina et Pereda, 2021).
La cooccurrence des facteurs de vulnérabilité chez les enfants ayant un TDI peut compliquer le repérage des maltraitances et les interventions (Paquette et al., 2018). Des outils de détection, d’accompagnement et de prise en soins spécifiques à cette population sont donc nécessaires (Mevissen et al., 2016).
Nous présentons ici un résumé des connaissances issues de la littérature scientifique récente, avec des pistes d’actions préventives et d’interventions psychothérapeutiques.
Associations entre les maltraitances infantiles, la santé mentale et les problèmes de comportement chez les personnes présentant un TDI
Les enfants ayant un TDI et ayant subi des maltraitances montrent davantage de troubles psychologiques que les enfants neurotypiques ayant également subi des maltraitances (Dion et al., 2018). Le degré de répercussion des abus sur la santé mentale est corrélé avec l’importance des déficits en compréhension et en résolution de problèmes, et avec de faibles stratégies de coping (Weiss et al., 2011). Ces troubles peuvent interagir avec des déficits en compétences sociales et communicatives, ce qui accroît la vulnérabilité face à la maltraitance (Fardella et al., 2018). Les violences répétées créent des apprentissages sociaux basés sur la coercition, ce qui constitue un facteur de risque d’être revictimisé et de souffrir de troubles psychologiques (Xiao et al., 2020).
Les maltraitances infantiles font partie des facteurs de risque pouvant mener au développement d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT) à la fois pour les enfants ayant un TDI et pour leurs pairs neurotypiques. Les impacts psychologiques varient selon la nature des abus subis. Les enfants ayant un TDI et qui sont victimes de maltraitances sexuelles présenteraient davantage de troubles dépressifs majeurs que leurs pairs neurotypiques (Soylu et al., 2013). Ceux ayant été victimes d’intimidation de la part de leurs pairs peuvent exprimer des idées suicidaires (Bitsika et Sharpley, 2014).
Les adultes ayant un TDI et ayant vécu des maltraitances infantiles sont plus à risque de présenter un trouble du développement traumatique (Developmental trauma disorder [DTD]). Celui-ci est caractérisé par des dysrégulations émotionnelles, une hypervigilance, des comportements de protection et d’autoapaisement dysfonctionnels, des comportements auto- et hétéroagressifs, une capacité altérée à initier ou à maintenir un comportement axé sur un objectif, une mésestime de soi, des représentations d’attachement insécurisées ou désorganisées, des patterns relationnels basés sur la méfiance et l’abus, et un manque d’empathie (van der Kolk, 2005).
Les troubles graves du comportement (TGC) sont des enjeux importants en matière de sécurité, de bien-être et d’inclusion pour les personnes ayant un TDI. Les TGC peuvent être compris comme une forme d’expression du mal-être (Codina et Pereda, 2021) et plus précisément du TSPT (Bakken et al., 2014). Le stigmate associé aux TGC risque de réduire les possibilités de se confier sur les expériences traumatiques passées et d’être entendu (Bakken et al., 2014). Les enfants ayant un TDI et qui sont victimes de maltraitances manifesteraient davantage de TGC, tandis que ceux ayant été victimes de négligences seraient plus à risque d’adopter des comportements antisociaux à l’âge adulte (Bitsika et Sharpley, 2014; de Vogel et Didden, 2022).
Corrélations entre le genre et les conséquences des maltraitances
La prévalence des abus émotionnels et sexuels pendant l’enfance et à l’âge adulte est significativement plus élevée chez les femmes ayant un TDI que chez leurs pairs neurotypiques (de Vogel et Didden, 2022) et que chez les hommes ayant un TDI (Soylu et al., 2013).
Les femmes présentant un TDI moyen à léger et ayant subi des maltraitances dans l’enfance ont plus de risques de développer un TSPT, un trouble anxio-dépressif, ainsi que des comportements d’addiction et d’automutilation que les femmes ayant les mêmes antécédents mais présentant une intelligence moyenne. De même, les femmes ayant un TDI reçoivent plus souvent des traitements psychiatriques, et ceux-ci sont plus longs (Codina et Pereda, 2021; de Vogel et Didden, 2022).
Dans leur étude, de Vogel et Didden (2022) observent que les femmes ayant un TDI subissent des préjugés liés à la fois au genre et aux déficits cognitifs au sein des unités de soins psychiatriques. Elles recevraient plus fréquemment que les hommes des diagnostics de TSPT associés à des troubles de la personnalité. Elles seraient davantage exposées à des violences, notamment sexuelles, à l’intérieur des hôpitaux de la part d’autres patients ou du personnel. De Vogel et Didden (2022), ainsi que Amelink et al. (2021) expliquent qu’une des réponses apportées le plus souvent à ces événements consiste à séparer physiquement les protagonistes sans interpeler les autorités judiciaires et sans prévenir l’apparition d’un TSPT chez la victime ou la récidive chez l’abuseur.
En ce qui concerne les personnes ayant un TDI qui sont orientées vers des services de psychiatrie légale, il semblerait que les professionnels de la santé recherchent moins des antécédents d’expériences traumatiques chez les hommes que chez les femmes. Cela conduirait à une sous-évaluation des séquelles psychologiques chez les hommes (Morris et al., 2020) ou à une mésinterprétation de celles-ci (Bakken et al., 2014).
Impacts de la révélation des abus et des suivis sociaux et thérapeutiques
Quels que soient leur âge, leur niveau scolaire et la nature des abus subis, les jeunes ayant un TDI auraient moins tendance à révéler les mauvais traitements qu’ils endurent. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène : la proximité avec l’agresseur et le fait de subir des menaces de sa part; les troubles de la communication; le fait d’avoir été victime d’abus antérieurement (Xiao et al., 2020); une faible éducation concernant la sexualité et les abus (Soylu et al., 2013); le manque d’informations sur les ressources et les services d’aide ou le défaut d’accessibilité à ceux-ci (Findley et al., 2015). Les enfants ayant un TDI peuvent éprouver des difficultés à mettre des mots sur les abus. Ils peuvent ne pas avoir accès aux instances susceptibles de les protéger ou de les accompagner dans leur processus de prise de parole (Hulbert-Williams et al., 2011). Les maltraitances sont confiées le plus fréquemment à un tiers digne de confiance (Paquette et al., 2018). Toutefois, comme l’ont relevé Codina et Pereda dans leur étude (2021), la personne dépositaire de cette révélation peut ne pas solliciter les services de police ou judiciaires soit par manque de connaissances, soit à cause de l’absence de collaboration entre les services, soit parce qu’elle doute de la véracité des faits. Selon ces mêmes auteurs, être dans une situation de dépendance vis-à-vis d’un tiers ou sous mesure de protection ne garantirait pas l’obtention d’assistance et de soutien de la part de ce tiers ou de la communauté. Les services de police ou de protection de l’enfance sont généralement sollicités par des tiers après qu’ils ont eux-mêmes repéré plusieurs indices préoccupants (De La Sablonniere-Griffin et al., 2021).
Concernant l’accompagnement offert par les services de protection de la jeunesse, des disparités sont relevées entre les enfants ayant un TDI et les enfants neurotypiques (Paquette et al., 2018). Les jeunes ayant un TDI feraient l’objet d’un suivi plus long et régulier. Ils seraient plus promptement orientés vers des familles d’accueil ou des centres de protection de l’enfance (Dion et al., 2018). Les placements peuvent représenter une coupure avec la famille d’origine. Si ces séparations sont mal comprises par les enfants ayant un TDI, elles peuvent affecter leur épanouissement psychologique et cognitif ainsi que leur inclusion dans leur nouvel environnement (Weiss et al., 2011). Ces placements constitueraient également un facteur de risque d’être à nouveau victime d’abus, sans que l’enfant bénéficie du soutien qu’aurait pu apporter le milieu d’origine (Paquette et al., 2018). Les représentations validistes parmi les professionnels de santé et de la protection de l’enfance participeraient à des mésinterprétations lors du repérage et de l’accompagnement des familles dont l’un des membres a un TDI. Par exemple, ces préjugés entraîneraient l’idée que les parents ayant un TDI sont plus à risque de négliger ou de maltraiter leurs enfants. Cela renforcerait les comportements de surveillance de la part des professionnels et accroîtrait le risque de placement précoce et de médication des enfants ayant un TDI (De La Sablonniere-Griffin et al., 2021).
Bien que les enfants ayant un TDI et qui sont victimes de maltraitances aient un risque plus élevé de présenter des troubles psychologiques, ils seraient orientés plus tardivement vers des services de soins en santé mentale et ils attendraient plus longtemps que les enfants neurotypiques avant de bénéficier d’une évaluation psychiatrique (Dion et al., 2018). Les manifestations comportementales et symptomatologiques des personnes ayant un TDI et qui sont victimes de maltraitances peuvent être difficiles à cerner et à comprendre pour les professionnels de la santé. Elles peuvent être confondues avec des TGC et des symptômes d’un trouble psychotique. Ainsi, les enfants ayant un TDI peuvent se voir offrir un traitement sous-optimal ou qui n’est pas adapté à leurs manifestations cliniques (Bakken et al., 2014).
Préconisation d’actions de prévention
Plusieurs mesures permettraient de prévenir les maltraitances et les abus. Offrir aux enfants et aux adultes ayant un TDI des programmes d’éducation sexuelle comportant des modules sur les compétences sociales et les droits serait un moyen de prévention efficace (Byrne, 2017). De même, il conviendrait de fournir aux professionnels des lignes directrices sur le repérage des signes d’abus et les conduites à adopter pour reporter leurs observations et protéger les victimes (Findley et al., 2015; Dion et al., 2018).
Une autre mesure consisterait à offrir aux familles des informations sur le TDI, les compétences et les besoins spécifiques de leurs enfants afin de leur permettre d’ajuster leurs comportements vis-à-vis de ces derniers, d’établir des relations positives et respectueuses, ainsi que de prévenir les incompréhensions et les réponses coercitives (Weiss et al., 2011).
L’isolement social favoriserait l’apparition et le maintien des abus (Xiao et al., 2020; De La Sablonniere-Griffin et al., 2021). À l’inverse, la fréquentation de personnes hors du cercle habituel permettrait aux enfants de comparer leur situation avec celle de leurs pairs, ainsi que de reconnaître les éventuels manquements à leur égard et de les dénoncer (Cossar et al., 2013). La qualité du lien social entourant les enfants ayant un TDI et leur famille participerait à la prévention des maltraitances. La socialisation offre l’accès à des personnes auxquelles se confier et demander de l’aide matérielle ou humaine ainsi que des conseils. Le développement de relations sociales significatives dans sa communauté de vie favoriserait l’inclusion dans celle-ci. Le soutien social perçu modérerait la relation entre stress et maltraitance. La présence d’un réseau de soutien social solide permettrait aux parents de mieux affronter les événements de vie stressants (Li et al., 2011). Wigfield et al. (2020) ont fait ressortir quatre domaines interconnectés favorisant des relations sociales significatives : l’interaction, la participation, la sécurité et les attitudes. Ce dernier point est lui-même influencé par des facteurs individuels, des facteurs géographiques et les événements de vie. Ainsi, les actions de prévention efficaces contre l’isolement reposeraient sur des interventions sociales holistiques. Van Dijken et al. (2016) ont mené une revue des programmes communautaires visant à prévenir les maltraitances sur les enfants. Les programmes ayant obtenu les meilleurs résultats sont ceux qui renforcent les initiatives familiales, ceux qui encouragent les partenariats entre les citoyens et les organismes communautaires, ceux qui développent le sens des responsabilités chez tous les membres de la collectivité et ceux qui mobilisent les facteurs de protection autour de toutes les familles.
Les jeunes ayant un TDI sont plus à risque d’être exclus ou victimes d’intimidation scolaire de la part de leurs pairs (Bitsika et Sharpley, 2014). Pour pallier ces problèmes, il conviendrait d’encourager l’inclusion et la participation des enfants ayant un TDI tout en agissant activement auprès de leurs pairs neurotypiques pour qu’ils jouent un rôle de soutien. De La Sablonniere-Griffin et al. (2021) suggèrent de favoriser l’accès à un professionnel qui aurait comme mission d’orienter le jeune et sa famille dans les services et de faire respecter les droits des jeunes ayant un TDI. Concernant l’intimidation scolaire, le déploiement de programmes contre le harcèlement au sein des établissements est une mesure à soutenir. Il n’existe pas de programmes particuliers pour les enfants ayant un TDI. Cependant, certains programmes « classiques » (comme le Olweus Bullying Prevention Program [Olweus et Kallestad, 2010]) ont été proposés à des classes qui incluaient des élèves ayant un TDI et neurotypiques (Badger et al., 2024).
Perspectives concernant les interventions psychothérapeutiques
Dans un rapport fourni à l’Office of the Children’s Commissioner for England, Cosar et al. (2013) ont formulé plusieurs propositions pour accompagner les enfants victimes de maltraitances. Ils recommandent d’aider les jeunes à reconnaître les abus subis tout en respectant leurs particularités cognitives, émotionnelles et comportementales. Ils proposent d’établir une relation sécurisante sur le long terme; de fournir un soutien émotionnel, des informations et des conseils; et d’apporter des aides concrètes pour stopper les abus et en atténuer les impacts.
L’identification des impacts psychologiques des maltraitances chez les personnes ayant un TDI est complexe. Les psychologues peuvent employer des questionnaires tels que le Juvenile Victimization Questionnaire (JVQ) pour déterminer les violences et le type de soutien dont ont besoin les enfants (Finkelhor et al., 2005). Le JVQ peut être proposé aux enfants ayant un TDI ou à leurs aidants (Codina et Pereda, 2021). Plusieurs autoquestionnaires peuvent être remplis par les adolescents ayant un TDI léger (Weiss et al., 2011). C’est notamment le cas du Childhood Experiences of Violence Questionnaire (Walsh et al., 2008) ou de la version française du Childhood Trauma Questionnaire (Bernstein et Fink, 1998). En ce qui concerne les impacts psychologiques, il est possible de proposer l’Anxiety Disorders Interview Schedule – Child Version aux enfants ayant un TDI (Mevissen et al., 2016). Pour l’identification des maltraitances chez les adultes ayant un TDI, les psychologues peuvent proposer le Bangor Life Events Schedule for Intellectual Disabilities à la fois aux personnes concernées et aux aidants (Hulbert-Williams et al., 2011), ou encore l’Abuse Assessment Screen-Disability (McFarlane et al., 2001). Le Lancaster and Northgate Trauma Scales (Wigham et al., 2011) et l’Impact of Event Scale – Intellectual Disabilities (Hall et al., 2014) permettent de repérer les répercussions psychologiques des événements de vie traumatiques. Pour l’évaluation des manifestations spécifiques des troubles psychologiques tels que le TSPT, il est possible d’employer le Psychiatric Assessment Schedule for Adults with Developmental Disabilities (Moss et al., 1998) ou l’Inventaire psychopathologique pour les personnes déficientes intellectuelles sévères et profondes (Matson, 1995). Il existe également des outils d’évaluation spécifiques pour les femmes, tels que le Female Additional Manual (de Vogel et al., 2014) en complément du Historical Clinical Risk Management-20 (Webster et al., 1997.). Toutefois, la plupart des outils n’ont pas été traduits et validés en français.
Concernant le TSPT, il est possible d’utiliser les protocoles thérapeutiques conçus pour les personnes neurotypiques en les adaptant aux besoins et aux capacités des personnes ayant un TDI. Citons notamment la Trauma-Focused Cognitive Behavior Therapy (TF-CBT) (Cohen et al., 2006). Celle-ci a été proposée à des adultes ayant un TDI et un TSPT complexe, avec des résultats positifs (Stenfert Kroese et al., 2016). Pour les enfants ayant un TDI, Holstead et Dalton (2013) ont couplé les séances de TF-CBT avec des interventions inspirées de l’Applied Behavior Analysis et des Intensive Behavioral Interventions. Toutefois, les résultats ont été mitigés (2013). L’Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR) (Shapiro, 2001) peut être offert à des adultes avec un TDI et souffrant d’un TSPT consécutif à des maltraitances anciennes et récentes. Des adaptations sont toutefois nécessaires du fait des difficultés de communication. Les résultats des études sont variables, allant d’une réduction des signes d’anxiété et des TGC au rétablissement du TSPT. Cependant, les méthodologies suivies par les chercheurs sont trop disparates pour que des recommandations précises soient établies (Byrne, 2020). Dans une étude de 2021, Ooms-Evers et al. ont proposé un traitement intensif à 33 enfants ayant subi des épreuves aversives (dont des maltraitances et des négligences) et ayant soit un TDI léger, soit une efficience intellectuelle limite. Le protocole thérapeutique comprenait de l’exposition prolongée (Foa et al., 2007), de l’EMDR, de l’activité physique et un module de sensibilisation au traumatisme à destination des familles. À l’issue du suivi, une amélioration globale des troubles émotionnels et comportementaux et du TSPT a été observée. Le protocole de la Thérapie comportementale et dialectique (Dialectical Behaviour Therapy, ou DBT, Linehan, 1987) a été adapté pour les adultes ayant un TDI (DBT-SP) (Charlton et Dykstra, 2011). La DBT-SP peut être proposée aux adultes ayant un TDI léger à moyen et des comorbidités psychiatriques (Jones et al., 2021).
Les femmes ayant un TDI et qui ont été victimes d’abus dans l’enfance présenteraient un profil psychologique particulier. Il conviendrait de leur offrir des programmes thérapeutiques spécifiques. Les programmes Beyond Trauma and Beyond Violence (Covington, 2013) et Seeking Safety (Najavits, 2002) ont pu être proposés à des femmes ayant un TDI (de Vogel et Didden, 2022).
Au sein des établissements accueillant des personnes ayant un TDI, il conviendrait de privilégier les pratiques sensibles aux traumas (trauma-informed care [TIC]). Les TIC regroupent un ensemble d’interventions collaboratives entre les professionnels et les personnes accompagnées. Ils font la promotion de changements dans les cultures et les politiques organisationnelles (Keesler, 2014). Concernant le secteur de la protection de l’enfance et de la santé mentale, les TIC impliquent que les professionnels reçoivent une formation sur le TDI, les facteurs de risque et les atouts des familles, ainsi que sur les séquelles des maltraitances. Les objectifs sont de limiter les erreurs d’attribution concernant les TGC; d’affiner le diagnostic; et de garantir la sécurité, la confiance, la collaboration, la prise de décision et l’autodétermination chez les jeunes ayant un TDI. Les TIC encouragent une communication directe, exempte de préjugés et fondée sur les droits. Dans les cas où il n’est pas possible de communiquer directement avec les enfants, il convient de les mettre en relation avec des interprètes et/ou un professionnel ayant comme mission de faire respecter les droits (De La Sablonniere-Griffin et al., 2021). Concernant les TGC, les TIC recommandent la formation des professionnels relativement au désamorçage des situations de crise, à la diminution des mesures de contention et aux effets de la communication sur la sécurité (Keesler, 2014). Pour les services de protection de la jeunesse, il serait pertinent d’étudier tous les facteurs de protection et de risque de revictimisation dans l’environnement d’origine et l’environnement d’accueil avant d’envisager une orientation vers un établissement ou une famille d’accueil. Cependant, l’évaluation des risques reste complexe et pose des difficultés sur le plan éthique (Amelink et al., 2021).
Concernant les enquêtes et les expertises médico-légales, il conviendrait d’étudier la trajectoire neurodéveloppementale, l’exposition à des maltraitances précoces ainsi que l’influence de ces deux facteurs sur les comportements délictueux ou criminels (de Vogel et Didden, 2022). La recherche d’antécédents de maltraitances infantiles permettrait de proposer des soins centrés sur le DTD dans les services de psychiatrie médico-légale. Elle offrirait aussi la possibilité d’analyser le fonctionnement des établissements de soins afin de s’assurer que ceux-ci ne recréent pas les conditions propices au renforcement des traumatismes et à la reproduction de TGC en leur sein (Morris et al., 2020).
Conclusion
Les négligences et les maltraitances exercées sur les enfants ayant un TDI résultent d’interactions complexes entre les facteurs de vulnérabilité chez ces jeunes, leurs parents et l’environnement. Bien que ce public soit plus à risque de développer des troubles psychologiques et du comportement, il serait orienté plus tardivement vers les professionnels de santé mentale. Les services de protection de l’enfance interviendraient après plusieurs signalements.
Les enfants ayant un TDI ont un besoin accru d’accompagnement et de protection. Les interventions sociales, éducatives et psychothérapeutiques devraient cibler la personne et son environnement de vie. Des programmes d’intervention ont été élaborés pour les enfants et les adultes ayant un TDI, mais il n’existe pas encore de consensus. Des lignes directrices à destination des professionnels recueillant la parole des victimes et des personnes les accompagnant seraient à développer.
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