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La décision d’utiliser des mesures de contention en milieu scolaire

Dre Véronique Parent, psychologue | Conseillère à la qualité et au développement de la pratique

En collaboration avec la Dre Salima Mamodhoussen, psychologue et directrice de la qualité et du développement de la pratique; Mme Valérie Line Pedneault, psychologue et inspectrice en résidence à L'Ordre; et la Dre Isabelle Montour-Proulx, neuropsychologue et responsable de l'inspection professionnelle.

Les auteures de la présente chronique tiennent à remercier la Dre Ariane Leroux-Boudreault, psychologue au Centre de services scolaire de la Pointe-de-l'Île ainsi que l'Association québécoise des psychologues scolaires pour leur précieuse contribution.


Depuis le 19 octobre 2023, en vertu du Règlement sur une activité professionnelle pouvant être exercée par les psychoéducateurs et psychoéducatrices et les psychologues (Loi médicale, M-9, r. 9.1, Code des professions, C-26, a. 94, 1er al., par. h), les psychologues et les psychoéducateurs peuvent décider de l’utilisation de mesures de contention en tous lieux (incluant en milieu scolaire et dans les services de garde éducatifs). Pour ce qui est de la décision d’utiliser des mesures d'isolement, cette activité n’est pas réservée en milieu scolaire1. L’Ordre est fier d’avoir collaboré aux travaux entourant ce changement réglementaire et au développement d’un cadre de référence publié en 2024, en partenariat avec les ordres professionnels dont les membres travaillent en milieu scolaire, la Fédération des centres de services scolaires du Québec (FCSSQ) et le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ).

Cette chronique explore les principes directeurs et le rôle essentiel des psychologues dans l’application sécuritaire et respectueuse de ces pratiques spécifiquement dans le cadre scolaire.

Quelques définitions

En contexte scolaire, les expressions « mesures contraignantes », « mesures exceptionnelles » ou « mesures d’encadrement » sont souvent utilisées pour désigner les mesures de contrôle (MEQ, 2024, p. IV). Ces dernières incluent la contention, l’isolement et l’utilisation de certaines substances chimiques (médicaments) (voir le tableau 1 ci-dessous). Les mesures de contrôle ont pour but d’empêcher un élève de s’infliger des lésions ou d’en infliger à autrui. L’utilisation de telles mesures doit être minimale et exceptionnelle, et tenir compte de l’état physique et mental de l’élève.

Tableau 1 Définition des mesures de contrôle (MEQ, 2024)

Mesures de contrôle

Définition

Contention

Mesure de contrôle qui consiste à empêcher ou à limiter la liberté de mouvement d’une personne en utilisant la force humaine (contention physique) ou un moyen mécanique (contention mécanique), ou en la privant d’un moyen qu’elle utilise pour pallier un handicap (contention par retrait de matériel).

Isolement

Mesure de contrôle qui consiste à confiner une personne dans un lieu, pour un temps déterminé, d’où elle ne peut sortir librement.

Substance chimique

Mesure de contrôle qui consiste à limiter la capacité d’action d’une personne en lui administrant un médicament.

Plus précisément, la contention est une mesure qui consiste à empêcher ou à limiter le mouvement d’un élève en employant la force ou en le privant d’un moyen. Le Cadre de référence du MEQ (2024, p. V) définit trois types de contention en milieu scolaire :

  • La contention physique vise à empêcher ou à limiter le mouvement d’un élève en utilisant une force humaine raisonnable. Il peut s’agir, par exemple, de tenir le bras d’un élève pour le rediriger vers un endroit plus sécuritaire ou de le maintenir physiquement en place alors qu’il essaie de frapper un autre élève ou un enseignant.
     
  • La contention mécanique limite partiellement ou complètement le mouvement d’un élève à l’aide d’un équipement ou de matériel. Il peut s’agir, par exemple, de l’utilisation de mitaines de sécurité pour prévenir des blessures auto-infligées.
     
  • La contention par retrait de matériel consiste à retirer le matériel qui permet normalement à l’élève de pallier un handicap, ou d’en limiter l’usage. Il peut s’agir, par exemple, d’appliquer les freins sur un fauteuil roulant dans le but d’empêcher un élève de quitter impulsivement l’école, ce qui le mettrait à risque d’être frappé par une voiture dans le stationnement ou dans la rue.

Seule la décision de recourir à la contention dans un « contexte d’intervention planifiée » (p. ex., dans le cadre du protocole-élève2) est réservée en milieu scolaire. La décision d’utiliser une contention en « contexte d’intervention non planifiée », par exemple lors d’une situation d’urgence3, n’est pas réservée, mais est tout de même encadrée par le protocole-école4. L’application de la contention n’est pas réservée, bien que le Cadre de référence prévoie une formation préalable du personnel qui l’utilise. En raison du risque de préjudice accompagnant l’utilisation des contentions, le Cadre de référence prévoit le développement de protocoles pour encadrer leur utilisation dans les contextes planifiés (protocole-élève) et non planifiés (protocole-école) d’intervention. Le tableau 2 ci-dessous résume ces informations.

Tableau 2 Tableau récapitulatif : Activités réservées et non réservées en milieu scolaire

 

Activité réservée

Activité non réservée

Décider d’une mesure de contention dans un contexte d’intervention planifiée : protocole-élève

X

 

Décider d’une mesure de contention dans un contexte d’intervention non planifiée (situation d’urgence) : protocole-école

 

X

Appliquer une mesure de contention

 

X

Isolement*

 

X

* En milieu scolaire, l’isolement n’est pas une activité réservée. Toutefois, il est recommandé d’effectuer la même démarche que pour les mesures de contention, étant donné les risques de préjudice. Notamment, « le tout devrait se faire dans un contexte d’intervention planifiée qui tient compte des droits reconnus par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec : inviolabilité, intégrité et dignité » (MEQ, 2024, p. 8).

Au cœur de la décision : la gestion du risque et la protection des individus

La réserve de la décision d’utiliser des mesures de contention tient compte de multiples facteurs, incluant le risque de préjudice, les compétences et les connaissances requises, ainsi que les caractéristiques de la clientèle (p. ex., sa complexité ou sa vulnérabilité). L’appartenance du professionnel habilité à un ordre professionnel garantit les qualifications minimales requises et l’encadrement de la qualité de sa pratique (p. ex., mécanismes de protection du public et de formation continue).

La décision d’utiliser des mesures de contention comporte le risque de porter atteinte à l’intégrité physique ou morale de l’élève et des autres individus impliqués dans la situation (p. ex., personnel utilisant la contention, témoins oculaires). Cette atteinte peut prendre la forme de dommages ou d’une douleur physique ou morale (p. ex., blessure physique, stress ou trauma relié). Le recours à une contention implique une perte de droits pour l’élève (p. ex., droit à la dignité, à la liberté de mouvement pendant son application). Il existe par ailleurs un risque d’abus physique ou émotif pour l’élève. La contention peut également entraîner des perturbations significatives dans le fonctionnement de l’élève (p. ex., accentuer ou précipiter sa détresse ou sa désorganisation).

Lignes de conduite professionnelle

Les principes directeurs

Adaptés des six principes directeurs du cadre de référence sur les mesures de contrôle du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) (2015), les principes directeurs du Cadre de référence du MEQ (2024, p. 4-5) présentent les valeurs, les attitudes et la posture à adopter lorsqu’un danger imminent nécessite le recours à une mesure de contrôle en milieu scolaire. Tout d’abord, la mesure de contrôle est envisagée en dernier recours et lorsqu’un danger est imminent. Cela implique que son utilisation n’est pas préconisée en milieu scolaire et demeure exceptionnelle, et qu’elle n’est pas punitive ou disciplinaire. De plus, des mesures préventives et alternatives5 doivent être mises en place afin de prévenir les situations dangereuses justifiant la contention.

Par ailleurs, la contention choisie doit être la moins contraignante possible (p. ex., durée de la contention, type de contention) et doit être appliquée en assurant le respect, la dignité et la sécurité de l’élève, ainsi que le respect du protocole-école et du protocole-élève, le cas échéant. Enfin, un dernier principe directeur rappelle que l’utilisation de contention doit faire l’objet d’un suivi et d’une réévaluation. À cet effet, le Cadre de référence (MEQ, 2024) prévoit des « modalités postsituationnelles » après chaque application d’une mesure de contrôle. Ces modalités visent à mettre en lumière la raison des manifestations comportementales à risque pour l’élève ou autrui, ainsi qu’à réguler l’efficacité des interventions préventives et des mesures alternatives, et ce, afin de retirer la mesure de contrôle sécuritairement et dès que possible. Elles permettent aussi le suivi et le soutien immédiat des individus concernés par l’incident (p. ex., élève, personnel impliqué, témoins).

Les trois critères de dangerosité

L’évaluation de la dangerosité d’une situation est effectuée à l’aide des trois critères de dangerosité (MEQ, 2024, p. 37). Ces critères sont : la prévisibilité du danger, son immédiateté et la gravité des conséquences (voir le tableau 3 ci-dessous pour les définitions). Si les trois critères sont réunis, il y a présence d’un danger significatif pour l’élève ou autrui. Les trois critères doivent être présents, sinon le recours à la mesure de contention n’est pas envisagé.

Tableau 3 Trois critères de dangerosité (MEQ, 2024, p. 37)

Prévisibilité du danger

Immédiateté du danger

Gravité des conséquences

Définition

Danger plus que probable étant donné qu’il est observable

Danger présent et manque de temps pour l’utilisation d’un autre moyen efficace

Conséquences graves anticipées, telles que :  blessures qui requièrent des soins, hospitalisation, conséquences permanentes ou qui nécessitent des interventions pour le maintien de la vie de la personne 

Question pour soutenir la réflexion professionnelle

Est-ce que le comportement de l’élève présente un réel danger pour lui ou autrui?

Est-ce que la mesure de contrôle est la seule intervention possible que j’ai le temps d’effectuer?

Est-ce que les conséquences du comportement de l’élève seront graves pour lui ou autrui?

Lois et règlements pertinents

En plus des cadres de référence cités plus haut, d’autres lois et règlements peuvent se rapporter aux mesures de contrôle, selon le contexte, et ainsi être applicables lors de la prise de décision clinique. Le tableau 4 ci-dessous présente quelques lois et règlements pertinents, recensés dans les cadres de référence disponibles au moment de la rédaction de cet article6 (MEQ, 2024; MSSS, 2015). Rappelons ici que le psychologue suit également les cadres légaux et les lignes directrices qui se rapportent à sa profession (p. ex., règlements, guides explicatifs, cadres de pratique).

Tableau 4 Lois et règlements se rapportant aux mesures de contrôle (MEQ, 2024; MSSS, 2015)

Milieux de pratique

Lois et règlements

Tous les milieux de travail

Charte canadienne des droits et libertés
-- Articles 1, 7, 9, 12

Charte québécoise des droits et libertés de la personne
-- Articles 1, 2, 4, 10, 24, 40

Convention relative aux droits de l’enfant 
-- Articles 3, 12, 19

Code criminel
-- Articles 43, 265

Code civil du Québec
-- Articles 10, 33, 601, 1460, 1471

Code des professions
-- Article 37.2

Loi sur la santé et sur la sécurité du travail
-- Articles 2, 3, 9, 10, 12, 49, 51

Milieu scolaire

Loi sur l’instruction publique
-- Articles 22, 36, 76, 96.12, 96.14, 96.21, 210.1

Loi sur l’enseignement privé
-- Article 63.1

Services de garde en milieu scolaire

Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance
-- Article 5.2

Autres lois et règlements

Loi sur la protection de la jeunesse
-- Article 10

Loi sur les services de santé et les services sociaux
-- Article 118.1

Rôles et responsabilités du psychologue

Services directs aux élèves

Le psychologue peut être invité à développer des mesures préventives et alternatives, à les mettre en place et à évaluer leur efficacité afin de soutenir un élève en particulier et de prévenir l’utilisation de la contention.

Par ailleurs, le psychologue peut être sollicité pour évaluer la possibilité de recourir à une mesure de contention pour un élève en particulier. Dans un tel cas, il clarifie tout d’abord le mandat et détermine le suivi approprié. Dans sa réflexion, il peut notamment se poser les questions suivantes :

  • Quel est le mandat et par qui est-il confié?
  • Des clarifications sont-elles nécessaires?
  • Est-ce que la personne qui fait la demande a été informée du processus d’évaluation nécessaire préalablement à la prise de décision?
  • Quels moyens ont déjà été essayés et quelle a été la réponse à ces interventions?
  • Est-il possible de collaborer avec d’autres professionnels habilités, dans une perspective interdisciplinaire? Si oui, quel rôle chaque professionnel jouera-t-il dans l’évaluation et dans l’implantation des recommandations?
  • Est-ce que le milieu sera en mesure d’appliquer un éventuel recours à une mesure de contrôle par du personnel dûment formé?

Le psychologue qui se voit attribuer un mandat d’évaluation est responsable d’obtenir le consentement libre et éclairé à cette évaluation, soit auprès de l’élève (s’il est âgé de 14 ans ou plus et apte à consentir), soit auprès de ses parents (si l’élève est âgé de moins de 14 ans ou inapte à consentir). À ce sujet, le Cadre de référence (MEQ, 2024, p. 9) ajoute aussi que « l’implication des parents est fortement encouragée, peu importe l’âge de l’élève, lorsque c’est possible », et ce, dans le but de valoriser la collaboration école-famille-communauté et de favoriser des actions concertées. On y recommande également d’obtenir un consentement écrit et de le conserver.

Des consentements distincts seront nécessaires pour 1) l’évaluation à remplir (visant à décider de l’utilisation d’une contention) et 2) l’utilisation de la mesure de contention dans le cadre d’un plan d’intervention (si recommandée à la fin de l’évaluation). Rappelons par ailleurs qu’à tout moment, l’élève ou ses parents peuvent retirer leur consentement. Si l’élève ou ses parents retirent leur consentement (à l’évaluation ou à l’utilisation de la mesure de contention) et qu’il y a une situation d’urgence, le protocole-école demeure applicable en milieu scolaire pour assurer la sécurité de tous les individus concernés.

Lors du consentement, il est essentiel d’expliquer entre autres :

  • Les situations d’urgence pouvant justifier l’utilisation de la mesure de contrôle;
  • Les mesures préventives et alternatives qui ont été tentées ou qui seront incluses;
  • Le type de mesure de contrôle qui sera utilisé;
  • La durée d’application de la mesure de contrôle;
  • Le niveau de surveillance requis;
  • Les contre-indications et les risques inhérents à l’utilisation de la mesure de contrôle;
  • Les modalités du retrait sécuritaire de la mesure et les modalités postsituationnelles;
  • Les modalités de suivi et de réévaluation de la mesure;
  • Les modalités qui s’appliquent en cas de retrait du consentement ou de refus (p. ex., le fait que le protocole-école demeure applicable en milieu scolaire pour les situations d’urgence);
  • L’information qui sera transmise à l’équipe-école.

La démarche d’évaluation du professionnel habilité s’inspire du modèle de Kayser-Jones, explicité dans le Cadre de pratique du MEQ (2024, p. 45), mais d’autres modèles pertinents peuvent aussi être utilisés par le professionnel7. Le Cadre adapte le modèle de Kayser-Jones à la réalité du milieu scolaire et guide le professionnel dans son évaluation menant à la décision de recourir ou non à la mesure de contention pour un élève. Le modèle ne suggère pas que le professionnel suive une séquence particulière; il s’agit plutôt d’un processus cyclique et continu, comme tout autre type de démarche clinique. Les étapes de ce processus sont : la collecte de données, l’analyse et l’interprétation des informations, la planification des interventions, la mise en oeuvre des interventions et la réévaluation.

Ainsi, il s’agit d’une évaluation formelle dans laquelle le psychologue procède comme il le ferait dans d’autres évaluations (suivre le Cadre de référence, les obligations de l’Ordre, les procédures de son employeur ou de son milieu de travail, etc.). Cette évaluation formelle vise à étoffer de manière rigoureuse la décision d’utiliser ou non une mesure de contention dans un plan d’intervention pour l’élève évalué. Une démarche rigoureuse est essentielle étant donné les risques de préjudice discutés précédemment.

Dans les choix professionnels se rapportant à sa démarche d’évaluation (p. ex., méthodes et outils), tout comme dans la documentation qui l’accompagnera (notes, rapport, etc.), le psychologue peut se référer à la structure décrite dans le Cadre de référence (MEQ, 2024) et le Guide explicatif concernant la tenue de dossiers (OPQ, 2008, p. 11-12). Il peut procéder comme il le ferait dans d’autres types d’évaluations (p. ex., troubles mentaux, retard mental) et inclure les éléments d’information suivants :

  1. Les données nominatives;
     
  2. Les dates de l’ouverture du dossier, de l’évaluation et du rapport final;
     
  3. Le motif de consultation;
     
  4. Le cadre de l’évaluation : par exemple, discuter entre autres les lieux de l’évaluation et les contextes particuliers qui ont nécessité des dérogations ou des modifications au protocole d’évaluation standardisé;
     
  5. La méthodologie utilisée : lister la méthode et les outils utilisés dans l’évaluation. Les meilleures pratiques pour ce type d’évaluation consistent à inclure des méthodes directes d'information (p. ex., observer l’élève, collecter des données sur des cibles précises) et indirectes (p. ex., réaliser des entrevues et remplir des questionnaires). Il est aussi recommandé d’utiliser des instruments de mesure standardisés. Les participants à l’évaluation peuvent comprendre l’élève, ses parents et le personnel scolaire pertinent (p. ex., enseignant, intervenant), selon les besoins de l’évaluation8;
     
  6. Le contexte situationnel du problème : résumer l’historique de la problématique actuelle (la situation dangereuse dont on souhaite réduire l’occurrence et le risque), incluant les antécédents et les consultations antérieures. Cela inclut de discuter les situations de crise ou d’urgence précédentes, ainsi que les mesures (interventions préventives et alternatives, techniques de désamorçage) et les autres moyens (p. ex., modifications au cursus scolaire, services professionnels offerts) mis en place jusqu’à maintenant afin de soutenir l’élève et le milieu scolaire relativement à cette problématique, en mentionnant leur efficacité (p. ex., gains observés, problèmes qui persistent ou qui semblent s’aggraver);
     
  7. Les observations ou impressions : noter les symptômes, les comportements et les attitudes observés directement pendant l’évaluation ou rapportés indirectement par l’élève, ses parents ou le personnel. Cela peut inclure l’utilisation de feuilles de collecte de données sur des variables définies par le psychologue ou encore des entrevues réalisées avec les individus concernés;
     
  8. Les épreuves d’évaluation utilisées et leurs résultats : présenter les outils inclus dans l’évaluation ainsi que leurs résultats et l’interprétation de ces derniers. Discuter également de la participation de l’élève et de l’effet sur les résultats obtenus (p. ex., est-ce représentatif de la situation?);
     
  9. La synthèse de la compréhension de la situation : il pourrait être pertinent ici de discuter de ce que l’évaluation fait ressortir, notamment quant à la situation de l’élève et de son environnement, et quant à la prévention et à la gestion des situations de crise et d’urgence (p. ex., les déclencheurs de ces situations, les facteurs contribuant à leur escalade, les facteurs de risque et de protection, les manifestations comportementales, les trois critères de danger, les interventions et soutiens mis en place, incluant les interventions préventives, dont les techniques de désamorçage et les mesures). On peut également discuter des possibles fonctions du comportement à risque (pourquoi survient le problème observé?) ainsi que des mesures et des moyens ou services suggérés, et ce, à différentes étapes du cycle de passage à l’acte, afin de prévenir des incidents, d’y répondre efficacement et d’assurer ainsi la sécurité de tous;
     
  10. Les conclusions (résultat de l’exercice) : répondre à la question initiale (soit le mandat d’évaluation). Il s’agit d’indiquer la décision du professionnel habilité de recourir ou non à l’utilisation d’une mesure de contention dans le cadre d’un plan d’intervention pour l’élève évalué;
     
  11. Les recommandations : indiquer les mesures préventives et alternatives à implanter, ainsi que les autres moyens et services qui sont recommandés. Par ailleurs, si les résultats de l’évaluation mènent à la recommandation de l’utilisation de la contention, les recommandations doivent également inclure et discuter les critères de l’utilisation et du retrait sécuritaire, dès que cela est possible. Les recommandations seront utilisées dans le développement ou la mise à jour du protocole-élève, auquel le psychologue sera invité à participer.

Par ailleurs, en tant que professionnel habilité, le psychologue peut avoir la charge d’obtenir le consentement libre et éclairé à l’utilisation de la mesure de contention, si cette dernière est recommandée lors de son évaluation et incluse au protocole-élève. Il sera invité à participer au développement du protocole-élève, qui se fait en collaboration avec l’élève, ses parents, les enseignants, les intervenants et la direction de l’école. Il pourrait également participer aux modalités postsituationnelles du protocole-élève qu’il a aidé à développer. Notons enfin que la participation à la démarche évaluative inclut le suivi et la réévaluation de la mesure, comme prévu dans le protocole-élève développé et au besoin (MEQ, 2024).

Services indirects aux élèves (rôle-conseil)

Le psychologue peut être sollicité afin d’offrir de la formation ou des consultations en milieu scolaire sur des thèmes portant sur les mesures de contention, par exemple la gestion de classe ou les mesures préventives et alternatives. Il peut également être sollicité pour de la formation ou du soutien visant à atténuer les conséquences négatives des mesures de contention, le cas échéant, pour les élèves ou pour les intervenants impliqués.

Il est possible que le psychologue soit témoin d’une situation d’urgence où il est l’un des premiers intervenants à arriver sur les lieux et à pouvoir soutenir l’élève et ses collègues, et que par ailleurs cet élève n’ait pas de protocole-élève (p. ex., l’élève ou les parents n’ont pas donné leur consentement). Dans ces circonstances, le psychologue assiste l’élève et ses collègues en se référant au protocole-école.

Dans le cas où le psychologue a lui-même été impliqué dans une situation où des mesures de contention ont été utilisées ou qu’il a vécu difficilement une telle situation, et que l’équipe ayant mis en place les mesures de contention recherche du soutien dans le cadre des mesures postsituationnelles, il pourrait être indiqué de faire appel à un autre psychologue de l’équipe, s’il y en a, ou bien de diriger les collègues affectés vers d’autres ressources, comme le programme d’aide aux employés.

La tenue de dossier

Comme expliqué, entre autres, dans le Cadre de pratique pour le psychologue exerçant en milieu scolaire (OPQ et AQPS, 2007) et le Guide concernant la tenue de dossier (OPQ, 2008), le psychologue scolaire tient un dossier pour les élèves auxquels il offre des services directs (p. ex., évaluation psychologique, développement et suivi/évaluation d’un protocole-élève). Le psychologue ne tient pas de dossiers dans son rôle-conseil en milieu scolaire, c’est-à-dire pour les consultations et autres services rendus indirectement aux élèves (p. ex., consultation dans le développement du protocole- école, formations ou consultations au sujet des problèmes de comportement en général). Pour les élèves à qui il rend des services directs, la tenue du dossier implique la rédaction de notes évolutives et de rapports d’évaluation, entre autres. Le psychologue peut également avoir d’autres documents à remplir dans son milieu de travail, selon ce qui est attendu par son employeur.

Collaboration professionnelle et interdisciplinarité

Dans un souci de considérer toutes les avenues possibles pour prévenir l’utilisation des mesures de contention et de limiter les risques qui y sont associés, l’analyse interdisciplinaire est recommandée (p. ex., cadres de référence du MEQ et du MSSS, guide explicatif du PL21) dans l’élaboration d’une intervention incluant l’utilisation de mesures de contention. D’ailleurs, les expertises des professionnels sont complémentaires et non interchangeables. Ainsi, le psychologue contribue selon son champ d’expertise (le fonctionnement psychologique et mental de l’élève) et dans les activités réservées auxquelles il est habilité (p. ex., évaluation des troubles mentaux).

Développement et maintien des compétences professionnelles

Le psychologue soucieux de s’outiller davantage relativement aux mesures de contention peut le faire par la formation, la consultation de ses pairs ainsi que la supervision professionnelle. À titre d’exemple, les formations professionnelles offertes en milieu de travail ou dans le cadre de conférences professionnelles sur la contention ou l’intervention de crise pourraient être très pertinentes à ajouter à son coffre à outils cliniques. Enfin, la consultation régulière des lois et règlements ainsi que des lignes directrices touchant les mesures de contrôle et la pratique de la psychologie en général est essentielle et recommandée9.

Conclusion

En somme, la récente habilitation « en tous lieux » des psychologues à l’activité réservée de la décision d’utiliser des mesures de contention amènera le psychologue à être davantage sollicité en milieu scolaire. Ces lignes de conduite professionnelle sont un pas de plus dans le développement de ressources professionnelles pouvant accompagner votre pratique dans ce contexte. Nous planifions actuellement la mise en place d’autres ressources, que nous annoncerons prochainement.

Notes

  1. Le Guide explicatif du PL21 offre la précision suivante au sujet des mesures d'isolement : « La décision d’utiliser des mesures d’isolement est réservée au criminologue, à l’ergothérapeute, à l’infirmière, au médecin, au psychoéducateur, au psychologue et au travailleur social lorsqu’elle est prise dans une installation maintenue par un établissement au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris. » (section 3, p.58).
     
  2. Le Cadre de référence (MEQ, 2024, p. VI) définit le « protocole-élève » ainsi : « Cet outil vise à prévenir, par la mise en place d’interventions préventives et de mesures alternatives, et à encadrer l’éventuel recours à une mesure de contrôle pour un élève identifié en contexte d’intervention planifiée. Le protocole-élève s’inscrit généralement dans la démarche d’élaboration d’un plan d’intervention (PI) ou, au besoin, d’un plan de services individualisé et intersectoriel (PSII). »
     
  3. Le Cadre de référence du MEQ (2024, p. IV) fait la distinction entre une « situation de crise » et une « situation d’urgence ». Ainsi, une situation de crise « se présente souvent sous la forme d’une désorganisation comportementale chez un élève et son déroulement est relativement prévisible. La crise est un dysfonctionnement temporaire de l’élève sur le plan affectif, cognitif ou comportemental. Elle peut se résorber à l’aide d’interventions ou se détériorer et mener à une situation d’urgence ». Lors d’une situation d’urgence, « la sécurité physique de l’élève ou celle d’autrui est menacée et un danger est imminent ». En contexte scolaire, le terme « danger imminent » est parfois utilisé au lieu de « situation d’urgence » (MEQ, 2024, p. IV).
     
  4. Le Cadre de référence (MEQ, 2024, p. VI) définit le « protocole-école » ainsi : « Cet outil vise à prévenir, par la mise en place d’interventions préventives universelles et de mesures alternatives, et à encadrer l’éventuel recours à une mesure de contrôle pouvant impliquer tout élève de l’établissement en contexte d’intervention non planifiée. »
     
  5. Le Cadre de référence du MEQ (2024, p. IV) définit « l’intervention préventive » comme un ensemble de stratégies, de pratiques et de moyens qui s’établissent sur une base continue et contribuent à prévenir les situations de crise ou à réduire leur ampleur, et ce, en vue de favoriser le retour à une situation de calme et de prévenir les risques à la sécurité des individus concernés. Par exemple, il peut s’agir d’inviter l’élève à utiliser des stratégies d’autorégulation (p. ex., des outils de gestion des émotions ou d’apaisement qui auront été enseignés préalablement à l’élève) ou à suivre un protocole de retour au calme (p. ex., se rendre à un endroit désigné, ou aller voir un intervenant désigné qui l’accompagnera dans son retour au calme ou l’aidera à ventiler par rapport à la situation). L’utilisation de ces stratégies se fait en amont des situations de risque, alors que l’élève présente des signes précurseurs de difficultés comportementales. Ces stratégies sont développées avec la collaboration de l’élève, de ses parents et de son équipe à l’école. Quant aux « mesures alternatives », elles évitent le recours à une mesure de contrôle par le biais de changements préventifs à l’environnement. Par exemple, il peut s’agir de sécuriser une classe en retirant tout objet potentiellement dangereux (p. ex., objets pointus ou coupants, comme des ciseaux).
     
  6. Cette liste non exhaustive est offerte à titre informatif seulement.
     
  7. Pour aller plus loin relativement à la démarche évaluative et d’intervention concernant la décision d’utiliser des mesures de contention, le psychologue peut consulter les lignes directrices du MEQ (2024) et du MSSS (2015), le guide explicatif du PL21 (Office des professions du Québec, 2021), ainsi que les documents publiés par l’Ordre et par d’autres ordres professionnels (p. ex., OEQ, 2006 ; OPPQ, 2024 ; OTSTCFQ, 2011) proposés dans la bibliographie.
     
  8. Le lecteur intéressé à approfondir ses connaissances sur les meilleures pratiques en ce qui concerne ce type d’évaluation peut consulter les lignes directrices du NICE (2015), du Center on PBIS (2022), du MEQ (2024, p. 45-50) et du MSSS (2015), ainsi que les ouvrages de Minahan et Rappaport (2018) et de Winston (2012). Voir la bibliographie.
     
  9. Le psychologue est invité à consulter les ressources disponibles dans la Zone de déontologie du site de l’Ordre (p. ex., Code de déontologie, lignes directrices de l’Ordre, foire aux questions) : https://www.ordrepsy.qc.ca/zone-deontologie.

Ressources