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Formation de la Dre Marie Leclaire, psychologue, sur le diagnostic psychologique : un « art du soin »

François Van Hoenacker, rédacteur en chef


Cet automne, une commission parlementaire se penchera sur le projet de loi no 67, qui pourrait reconnaître les conclusions cliniques des psychologues comme un « diagnostic ». C’est dans ce contexte qu’une formation sur le diagnostic psychologique sera présentée le 28 novembre, lors du Congrès 2024 de l’Ordre. Celle-ci vise non seulement à fournir aux psychologues les outils nécessaires pour poser un diagnostic, mais aussi à mettre à jour et à enrichir leurs connaissances en la matière. Psychologie Québec s’est entretenu avec la Dre Marie Leclaire, psychologue et formatrice de cet atelier.

Dans la description de votre formation, vous avez décrit le diagnostic psychologique comme un « art du soin ». Qu’entendez-vous par cette expression?

L’évaluation des troubles mentaux peut parfois évoquer un processus impersonnel, froid, voire déshumanisé. Bien que le diagnostic repose sur un modèle biomédical qui est centré sur des symptômes objectifs, ce qui peut sembler mettre à distance la singularité de l’expression de la souffrance psychologique propre à chacun, l’évaluation de la santé mentale ne devrait pas se limiter à l’identification d’un trouble; c’est une démarche collaborative dans laquelle l’on cherche également à mettre en place les conditions pour qu’un travail subjectif puisse se déployer.

L’« art » dans le diagnostic psychologique est un rappel de l’importance de la relation, de l’écoute et de la pluralité des perspectives sur ce qui peut soigner. Évaluer la souffrance, c’est se parler, c’est entrer en relation, c’est une occasion de se rencontrer d’humain à humain. C’est vrai en médecine comme en psychologie. Ce qui se joue va bien au-delà de la simple terminologie biomédicale qui peut rendre cette part relationnelle du soin invisible. En ce sens, le processus d’évaluation peut aider à renouer avec cette subjectivité, à lui ouvrir de nouvelles perspectives, favorisant ainsi le processus de transformation.

Il faut rappeler que l’objectif du diagnostic psychologique est de soigner, ce qui a toujours été le cas. Pour accomplir cette fonction du « soin », il nous faut aussi développer certaines compétences particulières : un savoir-être, une manière d’accueillir, d’être en lien avec le patient. Lorsque les patients demandent un diagnostic, c’est qu’ils cherchent à comprendre leur souffrance, à obtenir des soins et services adaptés à leurs besoins, à ne pas rester seuls avec leur condition.

Si nous voulons placer l’être humain au centre de nos interventions, nous ne pouvons pas faire l’économie de l’« art du soin » dans l’évaluation diagnostique des troubles mentaux.

Un tel diagnostic risque-t-il de limiter ou de circonscrire la compréhension, la réalité psychique ou les enjeux d’un client à une simple « étiquette »?

La notion de diagnostic psychologique peut parfois sembler en contradiction avec la réflexivité que privilégient de nombreux psychologues. Ce faisant, certains d’entre eux hésitent à y recourir dans leur pratique. Le diagnostic, de tradition médicale, est une hypothèse de travail basée sur les symptômes rapportés et observés à un moment donné. C’est un langage accessible, un outil de communication. Le diagnostic ne reflète effectivement pas toute la complexité des enjeux psychologiques. Mais il est bon de rappeler qu’il est à la base de notre filet social. C'un choix politique en quelque sorte. Ce langage sert à organiser les soins. Les patients en sont bien conscients, et avec raison. En ce sens, il ne devrait pas faire taire qui que ce soit, mais devrait plutôt aider à ouvrir de nouvelles perspectives sur ce qui peut soigner. Le diagnostic peut faciliter une compréhension commune, aider à créer un partenariat de soin et une communication avec les divers professionnels de la santé. Il est crucial que les interventions des différents soignants soient appropriées, cohérentes et harmonieuses pour le patient, et à plus forte raison dans les cas plus complexes.

Par exemple, à la Clinique de médecine familiale Notre-Dame où je pratique, nous avons la chance de bénéficier d’une grande autonomie, de travailler étroitement avec d’autres professionnels, de prendre le temps de réfléchir en équipe, avec des patients partenaires. Cela dit, je suis consciente que cela n’est pas la réalité pour de nombreux psychologues oeuvrant dans le réseau de la santé. Dans le cadre de nos réunions d’équipe, face à une impasse avec un patient, le fait de pouvoir partager ce langage commun nous permet paradoxalement d’accueillir la pluralité des perspectives. Et bien souvent, ces échanges nous permettent de trouver des solutions novatrices qu’il nous aurait été difficile de trouver autrement. Ils nous permettent d’avoir une compréhension encore plus fine de notre rôle, de nos limites de soignant, et aussi de la réalité, des attentes et des besoins du patient.

Si les conclusions cliniques des psychologues sont reconnues comme un « diagnostic », quels changements ou retombées pourrions-nous potentiellement anticiper?

Cette terminologie pourrait grandement améliorer l’accès aux soins en réduisant les barrières administratives et en rendant les services plus accessibles. À titre d’exemple, un patient avec un trouble de la personnalité diagnostiqué par un psychologue n’aurait plus besoin de passer par un médecin avant de pouvoir accéder au programme-clientèle dans le réseau de la santé.

Cela pourrait également influencer les pratiques collaboratives. Les médecins de famille ont un grand volume de patients, et dans ma pratique, j’ai pu constater qu’ils appréciaient beaucoup travailler en collaboration avec les psychologues pour les évaluations et les suivis en santé mentale. Cette collaboration permet bien souvent d’élargir les perspectives. Le plus important est souvent par ailleurs d’être vu rapidement, et cette mesure pourrait favoriser l’accès.

Chose certaine, les psychologues peuvent grandement bénéficier d’un travail conjoint avec leurs pairs, et c’est sans doute encore plus vrai dans un contexte où ce projet de loi pourrait engendrer d’importants changements législatifs. En matière de diagnostic psychologique, une posture d’humilité, d’ouverture et une formation continue sont également essentielles, ce qui permet d’affiner les compétences, les connaissances et de rester à jour dans nos domaines respectifs.

Enfin, je crois et j’espère surtout que les psychologues pourront grâce à ce changement mettre à profit leurs fines connaissances sur la relation thérapeutique pour contribuer à faire de l’évaluation diagnostique des troubles mentaux un « art humain du soin », et ce, dans l’intérêt des patients et de la collectivité.

Formation Évaluer les troubles mentaux : un art du soin?

Le jeudi 28 novembre au Congrès 2024 à l'Hôtel Sheraton Laval et en webdiffusion

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